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comme agens et comme espions ; cette erreur le discrédita. Les chefs d’industrie, de leur côté, se plaignaient amèrement des exigences auxquelles les zoubatovistes poussaient les ouvriers. Un mouvement gréviste éclatait pendant l’été de 1902 dans la Russie méridionale, sous l’inspiration des agens de Zoubatof, ce qui causa leur disgrâce et fit goûter à Chaïevitch et à quelques autres les douceurs de la Sibérie. Les deux ministres, Plehve favorable aux ouvriers, et Witte défenseur des intérêts patronaux, étaient en conflit. L’expérience de Moscou prit fin. Plehve, le 28 juillet 1904, tomba sous la bombe de l’ancien étudiant Sazonof, exécuteur de l’organisation du combat, qui avait dressé contre ce ministre un acte d’accusation, une sentence motivée.

Une entreprise analogue à celle de Zoubatof avait été tentée avec plus de succès à Pétersbourg par un jeune pope, Gapone, fils de paysans petits russiens, et aumônier des prisons. Gapone s’était attaché à fonder des unions ouvrières de chrétiens sociaux, approuvées par la police et bénies, en 1904, par l’archevêque de Pétersbourg. Plus ces ouvriers organisés devinrent nombreux, plus ils se montrèrent exigeans, si bien que les patrons cherchaient à s’en débarrasser. Telle fut l’origine de la grève des usines Poutilof, le 15 janvier 1905, qui devint presque aussitôt une grève politique, et gagna les faubourgs ouvriers.

La guerre russo-japonaise (février 1904) avait donné un élan considérable à la propagande antigouvernementale. Les échecs répétés causaient nue déception générale ; ce que l’on racontait des vols et des désordres dans l’administration de l’armée passait le croyable. L’autocratie perdait sa seule raison d’être et conduisait à des désastres. Le chômage, les mobilisations attisaient l’effervescence populaire. De sanglans combats des rues commençaient à se livrer dans les grandes villes. Le prince Sviatopolk Mirski, auquel le Tsar avait confié le pouvoir après Plehve, était le fervent adepte d’une politique réformiste. Il avait autorisé, en décembre, le Congrès des Zieinstvos qui avait formulé une déclaration des droits et demandé une représentation nationale. Le Tsar, par l’oukase du 25 décembre, faisait une première concession en promettant de soumettre la bureaucratie à la loi, d’organiser la légalité. Les exigences des libéraux démocrates et des socialistes révolutionnaires allaient bien au-delà. Dans une conférence convoquée à Paris en 1904, ils proclamaient la nécessité d’un gouvernement constitutionnel fondé