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poussée du particularisme arabe allait, dans un sursaut de révolte contre la domination abhorrée des Turcs, emporter les combinaisons éphémères de la politique Hamidienne. L’émir du Nedjed, lbn-Esseoud, avait commencé, dès 1884, à réorganiser, dans l’Arabie centrale, l’ancien empire des Wahabites ; en 1904, il battit et chassa l’émir du Chammar, Abdel-Aziz-ibn-Raschid, qui avait mis son influence au service de la suprématie ottomane ; allié à Moubarek, sultan de Koweït, sur le golfe Persique, qui, soutenu par les Anglais, avait fait reconnaître son indépendance, il réussit peu à peu à grouper autour de lui, en haine des Turcs, les principales tribus de l’Arabie centrale et à étendre son autorité directe ou son influence jusque sur les nomades du désert de Syrie, jusqu’aux approches de Damas et jusqu’en Mésopotamie. Une telle puissance devenait inquiétante : pour en venir à bout, le maréchal turc commandant le 6e corps (Bagdad), Feizi-pacha, marcha contre l’armée insurgée avec trente bataillons ; il subit, dans l’été de 1904, une défaite complète. En même temps, dans l’Yémen, l’iman Mahmoud-Yahia se soulevait contre les Turcs, rassemblait autour de lui les tribus mécontentes du séjour prolongé dans leur pays des troupes ottomanes, et assiégeait Sanâa. En 1905, le corps du maréchal Riza-pacha, composé de troupes arabes de Syrie, refusait de combattre contre les Arabes du Yémen ; 22 000 fantassins, dit-on, avec 14 canons et 4 000 chameaux, passaient à l’ennemi qui s’emparait de Sanâa et y faisait prisonnier Feizi-pacha qu’il relâchait généreusement. Un tel échec, s’il restait sans vengeance, était la ruine complète de la domination turque en Arabie : le Sultan à l’automne 1905, ordonna de tenter un grand effort ; Feizi-pacha, avec 45 000 hommes, réussit à s’emparer de Sanâa, mais, lorsqu’il en voulut sortir, il subit des échecs répétés : il y est actuellement presque assiégé par les tribus hostiles et son autorité ne s’étend guère au-delà de la ville où il campe avec » les débris de son armée. A la même époque, l’Assyr et le Hedjaz suivaient l’exemple de l’Yémen et chassaient les garnisons turques ; presque toute l’Arabie péninsulaire échappait à l’autorité du Sultan.

Un mouvement de révolte aussi prononcé et aussi général ne pouvait manquer de provoquer à Constantinople un désappointement d’autant plus amer que la politique de pénétration en Arabie avait donné de plus brillantes espérances, et des