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gouvernement, on a pu voir le chemin de fer de Damas à la Mecque poussé avec une extraordinaire célérité, exécuté, sans concours étrangers, sous la direction et par les soins du génie militaire ottoman, et payé avec les ressources de l’empire, les réserves du trésor du Sultan et le produit d’une sorte de souscription nationale patronnée par les chefs religieux en même temps que par les fonctionnaires. La voie est actuellement terminée jusqu’à Maân, à l’Est des ruines de l’ancienne Petra ; de là elle gagnera directement Medaouara, tandis qu’un embranchement, dont le tracé est déjà préparé, ira chercher sur la Mer-Rouge, à Akaba, les pèlerins venus d’Egypte et de l’Islam occidental. Les remblais sont commencés au Sud de Maàn et les travaux se poursuivent sous la surveillance de 4 000 à 5 000 nizams.

Nous sommes ainsi ramenés, on le voit, à l’incident de Tabah ; nous en découvrons de mieux en mieux la portée. Au moment où le chemin de fer de la Mecque s’approche de la Mer-Rouge, on devine pourquoi les Turcs cherchent à s’assurer le contrôle exclusif du golfe et du port d’Akaba et voudraient fortifier le point où la voie ferrée prendra contact avec la mer, afin d’éloigner toute influence anglo-égyptienne d’une ligne qu’ils regardent comme l’instrument nécessaire de leur domination sur l’Arabie.


III

A propos d’un simple incident de frontière entre la Turquie et l’Egypte et d’un débat diplomatique anglo-turc, nous ne saurions tracer même une simple esquisse des progrès de l’influence germanique dans l’Asie ottomane. Cependant, ce serait donner de l’incident de Tabah une physionomie inexacte et dénaturer son caractère que de ne pas l’étudier en corrélation avec les efforts de l’Allemagne pour établir son hégémonie économique et politique sur tout l’empire du Sultan. La diplomatie de l’empereur Guillaume II s’est officiellement désintéressée de l’affaire de Tabah ; mais la force des situations a été plus puissante que la volonté des hommes d’État : si prépondérante est aujourd’hui à Constantinople l’influence allemande, si écoutés les conseils de l’ambassadeur impérial, si complète et si générale la compénétration des intérêts turcs et des intérêts germaniques, que, dans tous les pays, l’opinion publique a voulu voir, dans