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l’Angleterre l’appui de sa diplomatie pour l’exécution des clauses relatives à l’Egypte » — à intervenir auprès de la Sublime Porte pour lui conseiller d’accorder satisfaction à l’Angleterre. L’ambassadeur de France à Constantinople a, en effet, par une démarche officielle, appuyé de son autorité l’action de son collègue.

La Grande-Bretagne a vu venir à elle, dans son différend avec la Turquie, un concours plus inattendu : l’ambassadeur du Tsar, M. Zinoviev, a, lui aussi, fait connaître au gouvernement ottoman que la Russie, loin d’être disposée à soutenir sa cause, l’engageait vivement à ne pas persister dans sa résistance. Ainsi, pour la première fois peut-être, sur la terre classique de leurs vieilles querelles, l’Angleterre s’est trouvée marcher d’accord avec la Russie : un phénomène aussi nouveau était bien fait pour causer quelque surprise aux diplomates qui se souviennent d’avoir siégé, voilà moins de trente ans, au Congrès de Berlin ! On a été généralement d’accord pour interpréter la démarche de l’ambassadeur russe comme la première manifestation, tout au moins comme le signe précurseur de cet accord général entre la Russie et l’Angleterre dont, depuis quelques semaines, on s’entretient à mots couverts dans les chancelleries. Des nouvellistes impatiens ont parlé de « la nouvelle triple alliance » qui se serait manifestée à propos du conflit anglo-turc. S’ils ont été bons prophètes, il ne nous appartient pas de le chercher ; bornons-nous à constater, l’histoire en mains, que l’Orient est la pierre de touche des grandes combinaisons politiques ; c’est presque toujours, quelles que soient les apparences contraires, en fonction des questions orientales que les alliances européennes se nouent ; c’est sur le champ de bataille diplomatique de l’Orient qu’elles font leurs preuves et c’est là aussi, quand elles s’y montrent inefficaces, que se manifeste leur caducité.

L’Allemagne, dans ce conflit où, indirectement au moins, ses intérêts paraissaient en jeu, est restée ostensiblement neutre ; sa diplomatie, loin d’encourager le Sultan à une résistance impossible, s’est employée à lui faire comprendre l’imprudence de son initiative et les dangers de son obstination ; le gouvernement de l’empereur Guillaume II a nettement décliné toute responsabilité dans le conflit. La presse officieuse, de son côté, a signifié à la Porte de n’avoir pas à compter sur l’appui des Allemands et reconnu le bien fondé des réclamations anglaises. Seules