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N’ayant pu, sans doute, accompagner son époux au cours de cette première visite, l’impératrice fut moins bien favorisée, quand à son tour elle se rendit auprès de Memnon. Celui-ci ayant négligé de se faire entendre, l’irascible Sabine témoigna d’un violent dépit. Mais revenue une seconde fois, elle n’a qu’à s’en féliciter, car après s’être fait un peu tirer l’oreille ( ? ) le dieu répare sa maladresse de la veille :

« Hier n’ayant pas entendu Memnon, nous l’avons supplié de nôtre pas une seconde fois défavorable, car les traits vénérables de l’impératrice s’étaient enflammés de courroux, et de faire entendre un son divin, de peur que le roi lui-même ne s’irritât et qu’une longue tristesse ne s’emparât de sa vénérable épouse ; aussi Memnon, craignant le courroux de ces princes immortels, a fait entendre, tout à coup, une douce voix et a témoigné qu’il se plaisait dans la compagnie des dieux. »

Une statue aussi merveilleuse ne pouvait manquer de produire une sensation profonde sur les illustres visiteurs. Cependant, il semble que ce soit, surtout, l’impératrice et Balbilla qui en aient été impressionnées le plus, car ces dames paraissent avoir fait du colosse le but préféré de leurs promenades. À chaque visite, Balbilla, donnant un libre essor à sa verve poétique, faisait toujours graver sur la statue une pièce de vers dont l’une nous apprend que Memnon était aussi connu sous le nom de Phamenoth[1] !

« La pierre ayant rendu un son, moi Balbilla j’ai entendu la voix divine de Memnon ou Phamenoth. J’accompagnais cette aimable reine Sabine. Le soleil tenait le cours de la première heure, la quinzième année de l’empereur Adrien, Athir était à son vingt-quatrième jour[2]. »

Avant de quitter Thèbes, Sabine qui, décidément, paraît s’être tout à fait réconciliée avec Memnon, voulant laisser sur la statue un témoignage d’admiration, fit graver, en très beaux caractères, son nom sur la jambe gauche.

« Sabine Auguste, femme de l’empereur César Auguste, a entendu deux fois Memnon, pendant la première heure. »

Le séjour d’Adrien à Thèbes donna lieu à de nombreuses fêtes, à de grandes réjouissances ; des médailles commémoratives furent frappées à cette occasion et, de même qu’à Smyrne

  1. D’après Pausanias, liv. 1, chap. XLII, les Thébains, l’appelaient Phamenophis.
  2. Le 20 novembre de l’an 130.