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l’on avait créé, en son honneur, les jeux Hadrianiens, les Thébains lui consacrèrent trente jours éponymes qui furent le mois d’Adrien[1].


V

La visite d’Adrien accrut, d’une façon considérable, la célébrité de Memnon qui, bientôt, plus que jamais vit affluer les voyageurs et se multiplier les proscynèmes.

Cet enthousiasme ne devait pas être de longue durée.

En revenant de battre les Parthes, Septime Sévère se rendit en Égypte, suivant le même itinéraire qu’avait suivi Adrien. Il remonta le Nil jusqu’à Philæ, visita en passant les merveilles de la Thébaïde et surtout la célèbre statue de Memnon dont la renommée était alors universelle.

A Memphis, il fit restaurer le grand sphinx et, à Esneh, il ordonna des embellissemens au pronaos du grand temple.

Les splendeurs d’Alexandrie l’émerveillèrent. Mais ce qui attira particulièrement son attention ce fut le culte de Sérapis, alors fort répandu dans toute l’Égypte et dont les cérémonies étaient célébrées avec une pompe orientale, un luxe inouï de mise en scène. Ce dieu considéré comme le principe et la fin de toutes choses, dépositaire des forces de la nature, résumant à lui seul la puissance des autres dieux réunis, produisit une vive impression sur l’esprit superstitieux de l’empereur, qui fut bientôt, lui et les siens, gagné au culte de cette puissante divinité.

A la même époque, indépendamment du christianisme, sans cesse grandissant, de nombreuses sectes philosophiques et religieuses se partageaient le monde. Cette diffusion de nouveaux élémens avait si complètement transformé la société antique que, toutes les aspirations se portaient vers l’idée religieuse ; il se fit alors un mouvement en faveur du mysticisme qui devint universel ; les anciens oracles, muets depuis longtemps, recouvrèrent leur voix, les empereurs ajoutèrent à leur protocole le titre de « pieux, » et les impératrices prirent celui de « très saintes. »

Ce mouvement, beaucoup plus marqué en Orient que partout ailleurs, n’échappa certainement pas à Septime Sévère qui, durant son voyage, put se rendre compte de l’effervescence

  1. Une inscription de Chéramon, stratège d’Hermonthis et de Latopolis, nous apprend qu’il entendit Memnon l’an 134 du mois d’Adrien.