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XIII


Genève, ce 21 octobre 1808.

Je voudrais bien, mon cher Prosper, pouvoir espérer que je vous trouverai encore à Paris ; mais, malgré vos retards et votre désir de ne pas retourner de sitôt dans le siège de votre empire, je crains fort que vous n’y soyez déjà, quand j’arriverai dans la capitale. Mon malheureux Wallstein me retient ici et n’avance guère, malgré mes prières et mes menaces, dont mon imprimeur se rit également. Je n’en ai pas encore la première épreuve, quoiqu’il y ait plus de quinze jours que j’en ai donné le manuscrit à Paschoud[1]. Cela me dérange sous mille rapports. Celui de ne plus vous rencontrer n’est pas le moins fâcheux. Je ne prévois pas que je quitte Genève avant le 1er décembre, ni que je sois à Paris avant le 1er janvier. J’ajouterai à Wallstein quelques notes historiques, indispensables pour l’intelligence de la pièce, et un discours préliminaire sur quelques-unes des différences les plus remarquables entre le théâtre français et le théâtre allemand, le tout bien uniquement littéraire, comme vous sentez. Dites-moi où je pourrai vous adresser tout cela, dans le cas où vous ne seriez plus à Paris, quand ça paraîtra. J’ai aussi une grande impatience de voir votre XVIIIe siècle. Je suppose qu’il sera imprimé avant que je parte d’ici. Dans ce cas, envoyez-le-moi le plus tôt possible ; mais s’il tarde remettez-le à quelqu’un, à Hochet, par exemple, qui me le donne à mon arrivée. Dès que j’aurai fini Wallstein, je me replongerai dans mon ouvrage sur le Polythéisme, que je ne me rappelle dans ce moment que d’une manière assez vague et surtout très opposée à la direction actuelle de mes idées. Non que les faits et la marche de l’esprit humain ne soient pas selon moi toujours la même que celle que j’avais cru démêler de tout tems. Mais le résultat est autre, et sans rien changer à, mes assertions sur la progression, je finirai tout différemment de ce que mes premières intentions encyclopédistes semblaient l’annoncer, ce qui m’oblige à modifier une quantité de petites phrases, écrites dans le XVIIIe siècle et pour lui, et qui ne doivent pas lui survivre. N’êtes-vous pas frappé comme moi, mon cher Prosper, de la grande impulsion

  1. Libraire éditeur de Genève.