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importantes en comparaison de celles portées devant le Conseil d’en Haut dont, au moment où nous sommes arrivés, il faisait partie depuis neuf ans. C’était une haute marque de faveur que le Roi lui avait donnée de l’appeler à y siéger dès l’âge de vingt ans, car Monseigneur n’y était entré qu’à trente. Aussi le Duc de Bourgogne avait-il reçu à cette occasion les complimens de tous les courtisans, et il tenait à reconnaître la grâce que le Roi lui avait faite, en assistant assidûment à toutes les séances. « Monseigneur le Duc de Bourgogne, dit Dangeau dans son Journal, à la date du 24 septembre 1703, ne manque jamais d’y aller et songe fort à se rendre capable d’affaires de guerre et de paix[1]. »

Jamais peut-être le Conseil d’en Haut, devant lequel étaient portées, comme nous l’avons dit, toutes les questions concernant aussi bien les mouvemens des armées que les négociations diplomatiques n’eut à prendre des résolutions aussi importantes que durant la guerre de la succession d’Espagne. Au cours de cette longue période de onze ans où la France fut toujours en armes, les négociations diplomatiques marchèrent presque toujours de front avec les entreprises militaires, et les diplomates n’eurent pas moins à faire que les généraux[2]. Que ce fût par l’intermédiaire d’agens secrets tels que le docteur Helvétius, l’introducteur en France de ripécacuanha, du résident d’Holstein-Gottorp Petekum, du juif portugais Henriquez, du teinturier Florisson, ou au contraire de personnages haut placés et de ministres plénipotentiaires accrédités, les négociations publiques, ou occultes, ne furent jamais complètement suspendues depuis le lendemain d’Hochstedt jusqu’à la veille de Denain. Parfois même les généraux se transformaient en diplomates. C’est ainsi qu’en 1708 le Duc de Bourgogne, alors qu’il commandait l’armée de Flandre, avait été mêlé à un échange de communications épistolaires entre Berwick, que le Roi avait, on s’en souvient, placé près de lui, et Marlborough qui commandait l’armée anglo-hollandaise. C’était pendant le siège de Lille. Marlborough, dont la sœur, Arabella Churchill, était la mère de Berwick, entretenait par lettres avec son neveu d’assez fréquentes relations dont Berwick, très

  1. Dangeau, t. IX, p. 300.
  2. Ces longues négociations qui aboutirent aux traités d’Utrecht et de Rastadt ont été résumées à merveille dans les deux derniers volumes de l’important ouvrage de M. Legrelle intitulé : la Diplomatie française et la Succession d’Espagne.