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fut salué par la nouvelle de la paix conclue le 8 juillet à Tilsitt entre la Russie et la France. Il devait croire qu’il n’y avait plus rien à attendre du monarque suédois. Mais ses craintes furent heureusement trompées. Rentré à Mitau au mois d’août, après avoir longuement conféré avec Gustave IV, il apprenait à Louis XVIII que le roi de Suède persévérait dans ses desseins. La réussite en était si peu vraisemblable qu’il semble impossible que le prétendant ait pu y croire. Il n’hésita pas cependant à quitter Mitau, en y laissant la Reine et la Duchesse d’Angoulême et après avoir écrit au Tsar pour lui annoncer son départ et son prochain retour, quoique, dès ce moment, il fût hanté par son désir de passer en Angleterre.

Quant à Blacas, le Roi lui demanda comme une preuve nouvelle de dévouement de rentrer à Saint-Pétersbourg. Sans doute, sa position y serait bien différente de ce qu’elle était avant la paix. « Il y aura toute la différence de l’Empereur de Russie embrassant Louis XVIII à Mitau, au même Empereur embrassant Buonaparte à Tilsitt. » Mais le Roi avait trop souffert, en d’autres temps, de n’avoir pas un agent en Russie, pour recommencer l’expérience, alors surtout qu’en prévision d’une rupture probable et prochaine entre les deux empereurs, il importait qu’il fût toujours à même d’en tirer profit.

« Le comte de Blacas n’a proprement jamais été mon ministre accrédité ; mais s’il ne l’était pas de droit, il l’était de fait et il ne faut plus qu’il le soit, même en apparence. Il faut sans doute qu’il conserve ses liaisons avec les ministres étrangers, mais qu’il évite, qu’il refuse même toute occasion de figurer parmi le corps diplomatique. Il faut qu’il se ménage les moyens d’aborder les ministres, mais jamais officiellement : une simple note dont les agens de Buonaparte auraient connaissance déterminerait peut-être son renvoi. En un mot, le comte de Blacas ne doit être à ‘extérieur qu’un émigré, auquel la bonté de l’Empereur a, depuis trois ans, permis d’habiter Pétersbourg et qui revient, après une absence, jouir de cet avantage. Ce rôle, je le répète, est difficile à jouer, c’est marcher sur des charbons à peine couverts d’une cendre trompeuse ; mais si je ne connaissais pas la capacité du comte de Blacas, je ne l’en chargerais pas.

« Les objets qu’il doit avoir en vue sont : 1° d’être aux aguets des moindres circonstances pour saisir le moment de la rupture et tâcher de faire donner, à la guerre qui recommencera, la seule