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plus, cette fabrication exige l’adjonction de brai et de charbon japonais.

La situation de Bizerte, au point de vue au dépôt de charbon, est plus mauvaise encore que celle de Saïgon. Le 1er avril 1904, il n’y avait à Bizerte que 17 000 tonnes, et il en faudrait 100 000 au moins. Ici, l’Etat pourrait se soustraire à l’obligation d’opérer lui-même, en employant le moyen que propose M. Chautemps, et qui d’ailleurs profiterait à la colonie tout entière. Doubler Bizerte d’un important port de commerce, qui lui permettrait de se ravitailler continuellement en charbon, c’est-à-dire, opérer à Bizerte comme nous l’avons fait à Alger. Mais ceci n’est exécutable qu’à la condition de fournir un fret de retour aux charbonniers. La plupart des navires qui portent du charbon à Malte, vont chercher partout, jusque dans la Mer-Noire, un chargement de retour. La Tunisie fournit assez de minerais et de phosphates pour assurer aux vapeurs d’abondantes cargaisons de retour.

Dès le principe, on a songé à créer à Bizerte un port de commerce à côté de l’arsenal maritime. Mais, à l’époque où l’on travaillait à rendre Bizerte accessible, on creusait le port et le canal de Tunis. De la sorte, le commerce de la Tunisie du Nord a continué à converger vers Tunis, tandis que Bizerte n’était guère fréquentée que par les paquebots-poste et les cargo-boats chargés de matériel pour le compte de la marine nationale.

Pourtant, Bizerte étant sur la route de Gibraltar à Port-Saïd, il passe annuellement, devant ce port, de 8 000 à 10 000 navires ; on était presque en droit d’espérer qu’avec le temps, quelques-uns d’entre eux viendraient y renouveler leur combustible. On fondait cette espérance en partie sur la transformation du port d’Alger, devenu grand pourvoyeur de charbon, au détriment de Gibraltar. Quelques-uns pensaient même, sans l’avouer ouvertement, que Bizerte supplanterait Alger. C’était de bonne guerre, puisque ces deux ports vivent sous un régime différent. Mais, pour avoir des chances de réussite, il aurait fallu ériger Bizerte en port franc, dès le principe. Or, on tua la poule aux œufs d’or, en établissant des taxes qui éloignèrent les vapeurs au lieu de les appeler.

Voici, à titre de curiosité, les quantités de charbon fournies à la navigation, à Gibraltar et à Alger, de 1885 à 1898 :