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La littérature populaire
de
l’Extrême Nord

WASSILISSA LA BELLE



On connaît déjà en Occident, par de nombreuses traductions, comme par les extraits qu’en ont faits maints auteurs de talent, la littérature populaire de la Grande et de la Petite-Russie, ainsi que celle des peuples slaves en général. Sans prétendre en faire ici une analyse, ni même en donner un aperçu, on peut dire que l’un de ses caractères les plus saillans consiste en une bonhomie narquoise, assez dépourvue d’esthétique, mais non de profondeur, et, en outre de ses qualités propres, imprégnée d’un levain de sagesse orientale. Cette littérature populaire des Slaves, très humaine, très inquiète des questions sociales, est imbue de finesse pratique, et même de ruse. Sous ce dernier rapport, elle se rapproche du vieux folklore gaulois ou germain, bien que celui-ci soit d’une philosophie essentiellement individualiste. Dans le folklore slave, on trouve plutôt l’idée collectiviste.

On y trouve aussi plus d’insouciance, moins de précision, un scepticisme moins mordant, mais moins superficiel, plus réel et surtout beaucoup plus vaste. On y sent un doute à la fois plus profond et plus largement tolérant, d’une tolérance qui va presque jusqu’au nirwana, en passant par le nietchevo.

Le bon sens y est moindre que chez les Gaulois ou les Germains. Il s’y trouve aussi moins de préoccupation de la justice, plus de faveur pour les imbéciles, que les fées françaises détestent tant, plus d’indulgence pour les filous et les ingrats, et, avec moins de malice peut-être, une duplicité plus savante et plus