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de gages, était en moyenne, au XVIe siècle, de 1 fr. 20 par mois.

Elle variait, au XVIIe siècle, de 0 fr. 80 à 2 fr. 50, selon que les élèves « syllabaient, » lisaient, écrivaient ou apprenaient la grammaire. A Nevers, les « abécédaires » débutent à 1 fr. 25 ; on demande aux « écrivains » 1 fr. 70 ; aux « arithméticiens » 2 fr. 50 ; aux « latinistes » 3 fr. 40. Ces rétributions, librement fixées par les conseils de ville, vont du simple au double à quelques lieues de distance ; dans la même localité, elles augmentaient, diminuaient ou disparaissaient tout à fait suivant les fluctuations de l’opinion publique.

En général, les prix du XVIIIe siècle furent beaucoup moins élevés que ceux du règne de Louis XIV, — ils oscillent de 0 fr. 40 à 1 fr. 50, — soit que l’instruction devint moins coûteuse parce qu’elle se répandit davantage, soit que le peuple l’ait plus appréciée parce qu’elle était meilleur marché.

Les instituteurs actuels, divisés en cinq classes de 1 150 à 2 050 francs, touchent en fait un traitement moyen de 1500 francs. Sous l’ancien régime, la moyenne de leur appointement fixe paraît ressortir à 300 francs, majoré d’une centaine de francs par la rétribution scolaire. C’est donc la catégorie de fonctionnaires publics qui a le plus gagné au XIXe siècle ; comme les soldats furent, depuis le XVIe siècle, la catégorie qui a le plus perdu.


III

Mais le phénomène saillant, l’évolution capitale dans l’histoire des chiffres, c’est la supériorité nouvelle des traitemens privés sur les traitemens publics. Nous avons vu un phénomène, une évolution analogue, du temps passé au temps présent, dans la formation des capitaux, dans leur nature changeante et dans le plus ou moins de dépendance où ils ont été du « gouvernement. » Nous le constatons ici pour le revenu du travail bourgeois que l’on nomme « appointemens » ou « honoraires. »

Quoique le « gouvernement » ait prodigieusement grossi, essaimé et pullulé, par ses fonctionnaires et par tout ce qu’il les charge de faire, de surveiller ou d’empêcher, ces 50 000, 100 000 et 200 000 francs par an, que l’État du moyen âge et de l’ancien régime concédait ou procurait à ses généraux, à ses chanceliers, à ses sénéchaux, à ses gouverneurs, à ses archevêques, à ses intendans, à ses grands dignitaires, l’Etat contemporain ne les