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sur le texte suffit à sir Edward Sullivan pour lui prouver que les deux volumes qu’il venait d’acheter étaient bien les mémoires inédits de Jérusalem Whaley, dont un ami intime de celui-ci avait fait mention, dans une notice nécrologique, en 1800, au lendemain de la mort du voyageur. Cependant, le nouveau possesseur du manuscrit ne voulut point s’en tenir à cette première certitude, et se livra à une longue enquête supplémentaire, qui eut pour résultat de rendre absolument incontestable l’authenticité de sa précieuse trouvaille. Non seulement, en effet, des descendant de Whaley mirent à sa disposition un autre manuscrit des mêmes mémoires, mais il eut encore la bonne fortune de découvrir le journal de route d’un certain capitaine Moore, qui avait accompagné Whaley à Jérusalem, et Mont le récit concordait pleinement avec celui du célèbre « beau » irlandais.

Et, de la confrontation de ce journal de route du capitaine Moore avec les mémoires de Whaley, une seconde conclusion s’est trouvée ressortir, qui doit avoir achevé de décider sir Edward Sullivan à la publication de son manuscrit : c’est que Whaley, avec tous ses vices, n’a jamais menti, dans ce qu’il nous raconte de ses aventures. Le fait est qu’il n’y a pas un seul point, dans toute sa relation du voyage à Jérusalem, où son récit s’écarte sérieusement des notes prises, au jour le jour, par son compagnon : de telle sorte que nous avons tout droit de supposer que Whaley n’a pas été moins véridique dans cette autre partie de ses souvenirs où, faute d’avoir personne pour nous permettre de contrôler ses affirmations, nous sommes plus ou moins forcés de le croire sur parole.


Cette autre partie, malheureusement, tient assez peu de place dans l’ensemble du manuscrit : soit que Whaley ait considéré son voyage à Jérusalem comme l’événement capital de sa vie, ou plutôt que, ayant recueilli des notes tout le long de sa route, il ait voulu ensuite les utiliser jusqu’au moindre détail. Sur les 340 pages que remplissent ses Mémoires, dans l’édition nouvelle, le fameux voyage, à lui seul, en occupe tout près de 250 ; et l’on ne peut s’empêcher de regretter que l’auteur n’ait pas traité avec le même développement maints autres épisodes de son aventureuse carrière, qui auraient eu beaucoup plus de quoi nous intéresser que son itinéraire de Dublin à Jérusalem.

Non pas, pourtant, que cet itinéraire soit jamais ennuyeux, ni même qu’on ne puisse y trouver une foule de petites particularités instructives ou divertissantes. Tout en étant, à coup sûr, ce qu’on pourrait hardiment appeler un « drôle, » Jérusalem Whaley est un homme