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marcherons-nous plus ou moins vite vers l’échéance du cinquième ? Ici il faut s’entendre. Le chiffre est exact comme total de nos dépenses faites ou à faire, et M. Poincaré a eu raison de n’en rien dissimuler ; mais la totalité de ces dépenses ne pèsera pas sur l’exercice de 1907 de tout le poids d’un bloc indivisible. On doit, en effet, en défalquer 244 millions demandés, non pas à l’impôt, mais à l’emprunt sous la forme de bons du trésor amortissables en douze ans. La charge immédiate s’en trouvera assez allégée. D’où viennent ces 244 millions ? Ils viennent, jusqu’à concurrence de 193, des dépenses militaires qu’il a fallu faire à la hâte au moment où la question marocaine nous a causé des appréhensions sérieuses, et, pour le reste, des dépenses complémentaires du même genre dont M. le ministre des Finances dit, avec quelque complaisance peut-être, qu’elles « correspondent à des circonstances passagères, » et qu’elles « paraissent ne pas devoir se renouveler dans les exercices prochains. » Quoi qu’il en soit, c’est un chiffre considérable ! On a reproché à M. Poincaré de l’avoir concentré, accumulé sur le seul exercice de 1907, comme s’il s’était proposé de le mettre bien en vue, alors qu’il aurait pu, ou plutôt qu’il aurait dû le diviser de manière à en reporter la plus grande partie sur l’exercice précédent. N’est-ce pas en 1906, et peut-être même en 1905, que la majeure partie des dépenses a été faite ? En éparpillant ainsi la charge, on l’aurait rendue moins lourde sur chaque exercice, et celui de 1906 en particulier présentera des excédens qui auraient permis d’y faire face pour une portion importante. Mais, dit-on, — et c’est M. Camille Pelletan qui a surtout tenu ce langage, — M. Poincaré a voulu produire sur les esprits une impression violente, jeter le discrédit sur les ministères précédens, effrayer les imaginations pour l’avenir. Nous ne savons pas si M. Poincaré a voulu en effet faire naître dès aujourd’hui, en prévision de l’avenir, un effroi qui nous paraîtrait aussi salutaire que M. Pelletan le juge déplacé ; mais pourquoi lui en prêter l’intention ? Il a eu bien d’autres raisons de procéder comme il l’a fait. Les dépenses militaires ont sans doute commencé en 1905 ; elles ont été poursuivies en 1906 ; elles se continueront en 1907 ; mais, au moment où nous sommes, il est impossible de dire dans quelles proportions elles pèseront finalement sur chacun de ces exercices, et c’est un des motifs pour lesquels M. Poincaré les a réunies sur le dernier. Est-ce le seul ? Non. Lorsque M. Pelletan soutient qu’on aurait dû profiter des excédens de 1906 pour éteindre une partie de la dette militaire, il est victime de l’illusion que lui et ses amis se sont appliqués à donner au pays. Il croit que