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LES PAYSAGISTES
ET
L’ÉTUDE D’APRÈS NATURE

L’idée de représenter les paysages qui servent de cadre à son existence ne devait que tardivement venir à l’homme. Jeté nu sur la terre, entouré de dangers de toute sorte, il avait à pourvoir à trop de nécessités pour songer à regarder la nature. De bonne heure, cependant, avec cet instinct d’imitation qui lui est propre, il s’était appliqué à tracer sur des silex et des ossemens polis, ou sur les parois des cavernes où il s’abritait, les silhouettes des grands animaux qui lui fournissaient ses vêtemens, ses armes, sa nourriture, et il était parvenu à reproduira avec une vérité et une correction surprenantes la diversité de leurs formes et leurs allures.

La nature inanimée ne semble pas avoir au même degré attiré l’attention de ces artistes primitifs. De nos jours encore, l’étonnement des campagnards à voir un paysagiste n’épargner ni son temps, ni sa peine pour dessiner ou peindre un motif pittoresque qui l’a séduit, montre bien que cet emploi de son activité déroute tout à fait les façons de vivre et de penser d’un être peu cultivé. Parfois même, après avoir longuement regardé l’étude de l’artiste, le paysan hésite à comprendre quel est l’objet de son occupation. Je tiens de Louis Français lui-même, qu’un jour où il peignait d’après nature, un de ces naïfs spectateurs lui demanda timidement si ce qu’il faisait « c’était le portrait de l’Empereur ! »