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Si je ne pars qu’au printems, je crois que je rapporterai tout mon Polythéisme achevé. Je l’ai cru fini plus d’une fois, et je me suis toujours aperçu qu’il ne l’était pas encore. Cependant pour tout autre il le serait. Mais je suis consciencieux dans les détails, et quelquefois un détail influe sur l’ensemble. J’ai eu surtout beaucoup à refaire au commencement. C’était toujours ce qui m’effrayait, parce que, commencé dans un sens assez différent, il tournait le des au but auquel la dernière partie allait. J’ai retourné cette partie de mon armée et tout marche ensemble. J’aurai fièrement à élaguer, car sur beaucoup d’objets j’ai tout recueilli pour avoir le choix. C’est surtout sous ce rapport que des conseils me seront utiles. Ah ! si notre amie...

Je ne fais pas entrer dans mes projets les événemens qui peuvent tout bouleverser, parce qu’ils ne se laissent ni calculer ni éviter. Il faut les attendre. Peut-être ne viendront-ils point Si j’avais cessé de travailler, lorsqu’il y avait dix à parier contre un que je n’achèverais pas, je serais encore à faire le tout. Je ne m’occupe donc en rien de ce qui ne dépend pas de moi, et jusqu’à présent je m’en trouve bien. L’incertitude sur la vie en elle-même est telle que les autres incertitudes qui peuvent s’y joindre n’y ajoutent guère.

Que dites-vous de l’Institut ? Il y a des gens qui ont l’air de s’affliger sérieusement de la déconsidération dans laquelle il tombe. Ils me paraissent presque aussi fous que ceux qui causent cette déconsidération en s’en emparant, ou même beaucoup plus, car enfin, tant que les déjeuners ne coûteront pas 1 500 livres de rente, il y aura gain à arriver à l’Institut par les déjeuners. La dégradation va vite du cœur aux extrémités. J’en ai le petit plaisir d’un prophète.

Je viens de lire un vieux ouvrage mythologique de Rabaut Saint-Étienne qui m’a amusé, en me reportant aux temps de la coterie encyclopédique. Ce sont des complimens à tous les confrères alors vivans qui tous sont morts aujourd’hui, de sorte que c’est la poussière flattant la poussière (quand nos vivans se flattent, c’est la boue flattant la boue), ce sont des complimens amenés de si loin qu’ils en sont comiques. Par exemple, il veut flatter Saint-Lambert, et, à propos d’une dissertation assez pédantesque sur le langage du peuple primitif, il dit en note : si l’on veut avoir une idée du langage harmonieux figuré de ce peuple, il faut lire, etc., et il cite seize ou vingt vers de boudoir tirés