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priant de ne le communiquer à personne, c’est-à-dire de ne le mettre entre les mains de personne, mais seulement de le lire aux personnes à qui vous vouliez que je le lusse. Je vous demande de m’indiquer un moment où je puisse être présenté à Mme de Barante puisque j’en perds l’occasion ce matin.


XXXVI


Paris, 18 octobre 1830[1].

Vous êtes venu chez moi hier, mon cher Prosper. J’ai été désolé de ce qu’on ne vous a pas laissé entrer. Ma santé a été si mauvaise que je me suis souvent trouvé incapable de soutenir une heure de conversation. Je suis mieux à présent et peut-être ferai-je de nouveau un bail de deux ou trois ans avec la vie[2]. Il y a des choses assez curieuses pour qu’on veuille en voir, je ne dis pas la fin, mais la suite. Je ne sortirai pas encore de toute la semaine et ma porte sera toujours ouverte. Si donc vous avez un moment à perdre, causer avec vous me fera un plaisir extrême. Mille sincères amitiés.


BENJAMIN CONSTANT.

  1. De 1815 à 1830 les relations de M. de Barante avec M. Benjamin Constant étaient devenues beaucoup moins intimes. M. Constant s’était laissé accaparer par un groupe politique et social fort différent de celui où ils avaient vécu et pensé côte à côte sous l’Empire. Cependant, en dépit de toutes les aigreurs que ses nouvelles accointances avaient pu lui inspirer contre ses anciens amis, ceux-ci ne perdaient point le souvenir du Benjamin Constant d’autrefois et surent fort délicatement le lui témoigner au début du gouvernement de Juillet.
  2. Benjamin Constant mourut quelques jours après, le 10 décembre 1830.