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LES
DERNIÈRES ANNÉES DE L’ÉMIGRATION

II[1]
LA VEILLE DE 1814


I

Ce qui caractérise les temps à travers lesquels se déroulèrent les aventures des émigrés, et la période impériale plus peut-être que la période révolutionnaire, c’est la difficulté des communications, non seulement entre la France et les pays étrangers, mais encore entre les pays étrangers eux-mêmes. Cette difficulté grandit au fur et à mesure que s’étend en Europe l’action des armées françaises. Là où elles passent, le service des diligences, celui des postes sont supprimés ou suspendus. Dans les pays qu’elles ont conquis et que Napoléon gouverne directement par ses préfets ou indirectement par les rois qu’il a créés, et qui ne sont à ses yeux que des fonctionnaires, une police à l’image de la sienne exerce une surveillance soupçonneuse sur les lettres et les voyageurs. Pour s’y dérober, les courriers sont contraints à de longs détours. S’ils sont obligés de recourir à la navigation, c’est pire encore. Les glaces dans les mers du Nord, les vents contraires, les calmes plats, les tempêtes, autant d’obstacles qui retardent la mise à la voile des navires ou entravent leur marche. Tel voyageur qui comptait rester quinze jours en route n’est

  1. Voyez la Revue du 15 juillet.