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pas encore, au bout de trois mois, arrivé au terme de son voyage. Toutes les correspondances subissent des retards ; souvent, elles n’arrivent pas, soit qu’elles aient été saisies, soit qu’elles s’égarent.

A Vienne, en octobre 1807, le représentant de Louis XVIII, La Fare, évêque de Nancy, est averti que le Roi et le Duc d’Angoulême se « ont embarqués à Gothembourg en Suède pour passer en Angleterre. Le 11 décembre, il est sans nouvelles de leur traversée et ne sait ce qu’ils sont devenus, bien qu’en débarquant à Yarmouth, le Roi lui ait fait écrire. Il confie ses inquiétudes au comte de Blacas, qui est alors en Russie.

« Je ne sais si à Pétersbourg vous êtes mieux instruit que je ne le suis ici sur ce qui concerne le voyage de notre maître et des princes. Mes dernières nouvelles sont du 14 octobre de Gothembourg, lorsqu’on se préparait à mettre à la voile. Depuis, et voilà bientôt deux mois, aucune nouvelle d’aucun côté sur le voyage ni le débarquement de ces augustes voyageurs. Les papiers publics donnent des nouvelles de Londres et d’Angleterre jusqu’au 12 novembre, et il n’y est fait aucune mention d’un objet aussi intéressant pour l’Europe entière qu’il l’est pour nous. Buonaparte aurait-il fait défendre à tous les journalistes de rien articuler sur ce fait capable de réveiller l’attention et l’intérêt des Français et de ranimer la foi endormie ?

« Quelquefois, je me demande : nos princes auraient-ils pris une autre direction que celle d’Angleterre ? Ballottés depuis si longtemps par la politique versatile des puissances, auraient-ils pris le parti d’enfoncer leur chapeau, et d’aller se jeter dans quelqu’une de leurs provinces pour y tenter la fortune ? La fin du mois de novembre eût été une époque bien favorable, Buonaparte étant en Italie, la majeure partie des troupes de ligne et les chefs les plus expérimentés étant encore éloignés et dispersés dans les différentes parties du continent. Dans pareilles circonstances, un débarquement de nos princes, appuyé de forces suffisantes, devrait produire le meilleur effet. Audaces fortuna juvat. »

Les lettres qu’attendait la Fare n’étaient qu’égarées ; il les reçut un peu plus tard. Mais il n’en allait pas toujours de même. Il arrivait que les porteurs de dépêches étant affiliés à la police impériale, lui livraient les correspondances dont le transport leur était confié. En 1813, à Dresde, un paquet de lettres expédiées de Londres par le Comte d’Artois à La Fare, afin d’être distribuées