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du Louvre, semblent déjà présager Corot, et dans les tableaux peut-être un peu trop vantés de Georges Michel, — qui ne sont, à vrai dire, que des études peintes dans les terrains vagues de Montmartre, — un sentiment original de la nature s’allie à des réminiscences formelles des maîtres hollandais.

Un artiste français mort avant d’avoir donné sa mesure, Xavier Le Prince, montre, avec le libre choix de ses motifs, une habileté consommée dans sa façon de traiter le paysage ainsi que les nombreuses figures et les animaux dont il étoffe tour à tour les quais d’embarquement d’Honfleur ou les cimes neigeuses des Alpes. Comme lui, un jeune Anglais fixé en France, Richard Parkes Bonington et Paul Huet, son ami, ne demandent qu’à la nature leurs enseignemens et emploient les moyens les plus divers pour la consulter. Attirés tous deux par la Normandie, ils retracent fidèlement les aspects de ses grasses prairies, de ses plages et de ses ports. Mais Bonington trouve aussi dans le nord de l’Italie et à Paris même des sujets d’étude. Delacroix, qui aimait ce grand jeune homme, enlevé prématurément à son art, nous apprend que, le premier, il avait eu l’idée de s’installer dans un fiacre pour peindre à son aise, et sans avoir à craindre l’indiscrétion des passans, les aspects de nos rues et de nos places qui lui semblaient les plus pittoresques.

À ce moment la glorieuse floraison du paysage moderne allait bientôt atteindre chez nous son complet épanouissement avec Corot et Rousseau. On ne l’a pas assez remarqué, d’ailleurs, ces deux maîtres, qui devaient en être les plus illustres représentans, se rattachent par leur éducation même aux traditions du paysage historique. Michallon, et après lui Aligny et Bertin dont Corot se faisait honneur d’avoir reçu les leçons, et Rémond qui eut Rousseau pour élève, n’avaient jamais cessé de peindre en Italie ou en France des études dont la sincérité contraste avec leurs compositions. Dans l’œuvre même de Corot on peut relever la trace de ce dualisme que nous avons déjà observé chez Rubens et chez Rembrandt. A côté des simples motifs que de plus en plus il recherchera aux environs de Paris ou dans l’Artois, il continuera pendant toute sa vie à peindre ces paysages composés dans lesquels, avec une évidente préoccupation de style, il ne cessera pas d’évoquer ses souvenirs de la campagne de Rome et des lacs italiens. A la suite de Rousseau, ces visées décoratives vont disparaître et avec le point de vue purement