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écrivait-il à Blacas, à propos du prétendu trépas de l’Empereur ; mais, comme ni vous, ni moi n’y croyons, gardons-nous de la répandre. »

Le 20 décembre, Blacas s’étant rendu à Londres pour quelques jours, il l’invitait à prêcher la sagesse.

« Toutes les têtes fermentent et je n’en suis pas surpris, car malgré ses cheveux gris, la mienne en a aussi sa part. L’un voudrait qu’avec les équipages des Russes, je passasse illico en France, l’autre que, me fiant aux seuls prisonniers, je débarquasse à leur tête. Au travers de tout cela, je regrette qu’au lieu d’équipages qui, dit-on, font au besoin le service de terre, mais qui ne sont pas pour cela de véritables troupes, il ne soit pas arrivé trente mille hommes qui le soient ; alors on aurait beau jeu et on ne l’a pas en ce moment, tout favorable qu’il est. Préparons donc, je l’ai déjà dit, cette expédition ; voilà à quoi nous devons travailler, tant ici qu’à Pétersbourg, parce qu’encore une fois, pour danser, il faut des violons. Vous verrez mardi mon frère, vous verrez le Duc de Berry, bien plus chaud que lui, vous verrez peut-être le Duc d’Angoulême qui ne l’est pas moins que son frère, restez dans cette ligne avec eux.

« Il est un point cependant sur lequel je crois devoir céder au cri général. Mon frère vous communiquera une note que j’ai rédigée et qui n’est, sauf ce que les circonstances ont amené, qu’un extrait de la déclaration de 1804. Je pense qu’on pourrait essayer de les répandre toutes deux, l’une pour ceux qui n’aiment pas les longues lectures, l’autre pour ceux qui n’en sont pas effrayés.

« Je ne demande pas mieux que de croire à la capture de M. de Beauharnais ; mais je suis tout à fait incrédule sur la mort du Corse : un tel événement serait, ne sais comme, répandu sur-le-champ partout. Je lisais l’autre jour dans Tite-Live que trois jours après la défaite de Persée, on en parlait à Rome, tandis que les envoyés de Paul-Emile n’y arrivèrent que le treizième jour ; la nouvelle était sans doute importante, mais celle-ci le serait bien autrement. Adieu. »

Blacas on l’a vu, ne se hâtait pas de chanter victoire, et lorsqu’il s’efforçait de contenir l’ardeur irréfléchie et les enthousiasmes prématurés, il obéissait tout autant à sa propre impulsion qu’aux désirs du Roi. Il restait encore convaincu que la victoire n’était ni aussi prochaine, ni aussi facile à remporter qu’on