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d’une lettre du Roi pour le Tsar, il en reçut de verbales dont l’exécution était subordonnée aux circonstances et à ses propres appréciations. Dans le cas où il se trouverait à même d’approcher le prince royal de Suède, maréchal Bernadotte, il devait s’attacher à l’intéresser à la cause des Bourbons. Adopté par Charles XIII qui régnait à Stockholm, et désigné par lui comme l’héritier de la couronne aux applaudissemens du peuple suédois, le nouveau prince royal, oubliant sa naissance et sa nationalité, se disposait à entrer dans la coalition et à conduire contre la France ses troupes mêlées aux armées moscovites. En attendant, il faisait la guerre au Danemark.

Des informations envoyées de Suède à Louis XVIII par des émigrés de marque, notamment par le duc de Piennes et par le comte, plus tard duc de Narbonne, qui avaient passé à Stralsund où se trouvait Bernadotte, le présentaient, dès son changement de fortune, comme animé des meilleures intentions envers les princes français. Mais, depuis, elles semblaient s’être refroidies. Le prétexte de ce refroidissement était tiré de la dernière proclamation de Louis XVIII. Elle lui avait déplu, il ne le cachait pas. Il en désapprouvait le fond et la forme, déclarait que l’effet en France en serait déplorable et regrettait ouvertement qu’avant de l’écrire, le Roi ne l’eût pas consulté. Mais, au dire de Narbonne dont nous avons sous les yeux une note confidentielle, l’ambiguïté de sa conduite et de son langage était due à d’autres causes. Il trouvait mauvais que Louis XVIII n’eût pas fait auprès de lui une démarche directe, qui eût flatté son amour-propre en prouvant que le Roi recherchait son alliance et son appui.

« En outre, écrit Narbonne, il a reçu en dernier lieu des ouvertures de France, apportées par un de ses généraux qui y était prisonnier de guerre, et qui est censé s’être échappé. Il en a reçu d’abord de Bonaparte lui-même, qui cherche à l’amadouer, en lui disant qu’il ne peut trouver mauvais que, comme Suédois, il se soit armé pour la défense des États suédois en Allemagne, mais qu’il n’a nullement besoin pour cela de se joindre aux Russes, les ennemis naturels de la Suède ; lui faisant même entrevoir, dit-on, que si lui Bonaparte venait à manquer, il serait l’homme le plus naturellement appelé à la régence de l’Empire. À ces cajoleries quelques propositions plus précises étaient-elles jointes ? C’est ce que je n’étais point à portée de savoir. Mais Bonaparte et lui sont tellement ennemis personnels, qu’on ne