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m’a parlé du Roi et des princes d’une manière qui m’a réellement fait plaisir, et que je sais être le seul homme qui a osé soutenir et justifier la déclaration du Roi, M. Thornton, le ministre d’Angleterre, m’a dit qu’il leur conseillerait extrêmement de ne point tourmenter dans ce moment-ci le prince royal, d’attendre un moment plus favorable, et où il aurait moins d’affaires pressantes sur les bras. »

A l’appui du conseil indirect qu’il donnait dans les dernières lignes de la citation qu’on vient de lire, Narbonne invoquait l’opinion du général comte de Montrichard, attaché à l’état-major du prince royal et admis dans son intimité. Montrichard ne cessait de répéter à Narbonne que rien en ce moment ne déplairait plus à Bernadotte que l’envoi d’un agent royaliste.

« — Votre présence même n’est pas bien vue ici, ajoutait ce digne et loyal militaire. On raconte de tous côtés que vous êtes un agent du Roi. Le prince royal vous croit chargé d’une mission auprès de lui et c’en est assez pour le mécontenter. Il est obligé de garder des ménagemens avec la nation suédoise et ne peut permettre à un agent des Bourbons de résider à son quartier général. Je ne saurais trop vous engager à quitter Stralsund. Allez où vous voudrez, mais ne restez pas ici. »

Narbonne protestait, affirmait qu’il n’avait aucune mission, qu’il n’était à Stralsund que par hasard ; qu’en s’y arrêtant, il ignorait que le prince royal s’y trouvait. Mais Stralsund était alors le rendez-vous d’hommes d’Etat de toutes les parties de l’Europe, à la grande satisfaction de Bernadotte « qui jouissait de voir son quartier général devenir le centre où tout aboutissait. » Les bonnes relations de Narbonne avec la cour d’Hartwell étaient trop connues pour qu’il pût dissimuler son caractère d’agent du Roi et, au bout de quelques jours, redoutant d’être expulsé, il se décidait à retourner en Angleterre.

Lorsque, au commencement de juin, après s’être longtemps arrêté en route, il remit à Louis XVIII la note d’où sont tirés les détails qui précèdent, La Ferronnays, parti le 26 février, venait de débarquer à Harwick, de retour de son voyage en Suède et en Russie. Il avait fait cette longue course plus rapidement que Narbonne n’avait fait la sienne. Mais il n’en rapportait pas de meilleurs résultats. A Stockholm, sa première étape, il s’était heurté aux difficultés qui viennent d’être exposées. Plus persévérant que Narbonne, il s’était efforcé de les surmonter. Cet