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coalisées ne serait-elle pas regardée par le général Moreau comme d’une haute importance et d’un intérêt majeur ?

« Quel serait le plan que le général Moreau regarderait comme le plus avantageux, pour faire occuper par une armée royale une portion du territoire français, et quel point choisirait-il de préférence pour une semblable expédition, dans le cas où l’on pût rassembler les moyens de l’entreprendre ?

« Quelle idée se forme-t-il des résultats probables de la guerre présente, soit en Allemagne, soit dans la Péninsule, relativement à la situation intérieure et extérieure de la France ?

« En un mot, il ne sera rien négligé de tout ce qui peut faire connaître au Roi l’opinion d’un homme auquel Sa Majesté désire confier les pouvoirs les plus étendus et les plus nécessaires au succès d’une entreprise dans laquelle le général Moreau se promet sans doute de recueillir la plus grande gloire qui puisse être offerte à la plus noble ambition. »

Sous la signature de Blacas, dont ce questionnaire était revêtu, le Roi avait écrit de sa main : « En approuvant les présentes instructions, je saisis avec empressement l’occasion de donner moi-même au général Moreau un nouveau témoignage de l’estime et de la confiance qu’il me connaît pour lui depuis longtemps, — Louis. »

Lorsque Bascher de Boisgely quitta Londres, le 12 septembre, pour se rendre au quartier général des alliés où il devait trouver Moreau, il y avait déjà quinze jours que ce malheureux n’existait plus. Le 27 août, à la bataille de Dresde, un boulet lui avait brisé les jambes. Transporté aux ambulances de Lauen, il y expirait, le 2 septembre, sans avoir compris, semble-t-il, ce qu’offrait d’odieux sa présence parmi les armées qui.se préparaient à envahir sa patrie et pourquoi sa mort tragique apparaîtrait à jamais comme un châtiment providentiel. L’envoyé du Roi n’apprit ces nouvelles qui coupaient court à sa mission qu’après s’être mis en chemin.

Elles étaient déjà parvenues à Londres. Le colonel Rapatel, aide de camp du général, avait annoncé à Mme Moreau son malheur. Dans une première lettre, il lui disait : « Le général a perdu ses deux jambes, mais sa tête nous reste. » Dans la seconde, il lui apprenait qu’elle était veuve. Elle recevait en même temps, par l’entremise de Blacas, les condoléances du Roi