Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/673

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
MALADIE DU BURLESQUE

Saint-Amant, Sarrasin, Cyrano de Bergerac, d’Assoucy, tous ces noms qui, sans avoir été jamais illustres, brillèrent pourtant jadis de leur éclat, sont tombés depuis longues années dans l’oubli. Comment se fait-il qu’il en soit autrement de celui de Scarron, leur émule ; et à quoi le doit-il, ou à qui ? A sa femme, plus connue sous le nom de Madame de Maintenon, ou à son mérite ? et, par exemple, à la gaieté convulsive de ses Mazarinades ou à la force comique de son théâtre : l’Écolier de Salamanque, Jodelet, Dom Japhet d’Arménie ? N’omettons ici de mentionner, si l’on le veut, ni son Roman comique ni ses Nouvelles, traduites ou adaptées de l’espagnol de dona Maria de Zayas, et dont une seule a fourni, à Sedaine le sujet de la Gageure imprévue, à Molière plusieurs scènes de l’École des Femmes, et à Beaumarchais le titre de la Précaution inutile. Assurément, c’est une manière de perpétuer son nom que de s’insinuer ainsi dans l’œuvre des autres, par avance, et de s’arranger pour que l’on ne puisse parler ni de Sedaine, ni de Beaumarchais, ni de Molière sans être obligé de rappeler qu’ils doivent quelque chose à Scarron. Mais, cette survivance de sa réputation, Scarron la doit surtout à ce qu’il se trouve représenter un genre dans l’histoire de la littérature. Scarron, c’est le burlesque, à lui tout seul, et à peu près de même que Balzac et Voiture sont la préciosité. Et comme le burlesque, dans l’histoire de la littérature, n’a guère été plus étudié, ni plus rigoureusement défini que le précieux, de là l’intérêt de nouveauté qui continue toujours de s’attacher à Scarron.