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M. P. Morillot, quelques légères inexactitudes, et, d’abord, je ne puis lui accorder qu’à aucune époque, en France, non pas même entre 1640 et 1660, le burlesque ait formé ce qu’il appelle un « genre national. » Je serais d’ailleurs assez embarrassé de dire ce que c’est qu’un « genre national, » dans nos littératures de l’Europe moderne ; et j’en vois peu d’exemples. Il y a, peut-être, la « nouvelle » italienne, depuis Boccace jusqu’à Bandello, et il y a, en Espagne, le « roman picaresque : » Lazarille de Tormes, ou Don Pablo de Ségovie... Mais, en tout cas, pour qu’un genre devienne et soit réputé « national, » il ne saurait sans doute suffire qu’une ou plusieurs générations littéraires d’un même peuple s’y soient consciencieusement ou même passionnément appliquées. Songeons qu’en effet, à ce compte, notre genre le plus « national, » avec la cathédrale gothique, serait le poème épique, depuis la Franciade de Ronsard, jusqu’à la Pétréide de Thomas, et pourquoi pas jusqu’aux Natchez de Chateaubriand ? Je veux donc bien qu’en ce sens, et dans cette mesure, le burlesque ait été chez nous un « genre national ! » Lui aussi, de tout temps, il a eu chez nous, comme le genre épique, ses poètes et ses prosateurs. Théodore de Banville ne se cachait pas d’en être un, quand il donnait à l’un de ses premiers recueils le titre d’Odes funambulesques. Mais que le goût du burlesque ait jamais été chez nous, dans notre littérature, véritablement universel ; qu’il exprime ou qu’il manifeste, à quelque degré que ce soit, ce que l’on appelle un caractère de la race ; et que Saint-Amant ou Scarron doivent être comptés pour des talens représentatifs ou significatifs de l’ « esprit français, » c’est ce qu’il est difficile d’admettre ; — et peut-être, après tout, n’est-ce pas ce qu’a voulu dire M. Morillot.

Je ne crois pas non plus qu’il ait dit exactement ce qu’il voulait dire quand il a écrit que pendant quelques années le burlesque « avait éclipsé tous les autres genres littéraires. » Car, de quels « autres genres » l’entendrons-nous ? et, par exemple, sommes-nous bien sûrs qu’entre 1640 et 1660, le burlesque ait éclipsé le « tragi-comique » ou le « romanesque ? » Je vois bien que le Typhon est de 1644, et le Virgile travesti, — celui de P. Scarron, car les catalogues de librairie en ont enregistré deux ou trois autres sous les mêmes dates, — est de 1646-1648. Mais n’est-ce pas aussi de ce même temps que datent la Cythérée de Gomberville, 1641 ; la Cassandre de La Calprenède, 1643 ; l’Illustre