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par faire, lui Marivaux, ses délices. Ici encore, ni Molière, ni Boileau n’avaient pu enlever un lecteur à l’« illustre fille ; » et ce n’est pas seulement l’auteur de Marianne, c’est celui de Manon Lescaut que nous trouverons plein de complaisance et d’admiration pour ce genre de récits. Mais, dans son Télémaque ou dans son Iliade travestie, l’intention de Marivaux ne diffère nullement de celle de Scarron. Il veut faire rire, et il veut faire rire par les mêmes moyens, dont le principal est le « travestissement, » et sans en excepter au besoin, lui qui sera le précieux Marivaux, la grossièreté du langage. Ajoute-t-il peut-être à cette intention une intention particulière que Scarron n’avait pas, et qui est de faire rire aux dépens de l’ « antiquité ? » C’est alors en cela qu’il est déjà du parti des « modernes ; » et puis, notons ce point que, n’étant pas très lettré lui-même, il juge inutile ou impertinent que d’autres le soient. Les « illettrés » dans l’histoire de notre littérature, — je veux dire ceux qui n’ont pas reçu la culture classique ou qui n’en ont pas profité, — ont toujours été du parti des « modernes. » Mais ce n’est pas ici le lieu d’insister ; l’indication nous entraînerait trop loin si nous la poussions ; et ce que je veux seulement établir par l’exemple de Marivaux, caractéristique sans doute entre tous, c’est qu’il n’a manqué pour faire fortune, au burlesque de l’Iliade, ou du Télémaque travestis, qu’un public aussi favorable, et à certains égards aussi neuf que l’avait été celui de Scarron.

On pourrait suivre, si l’on le voulait, cette veine du « burlesque » à travers le XVIIIe siècle, et, — quoique, s’il n’y a pas de burlesque sans travestissement, il pût y avoir du travestissement sans burlesque, — nous y rapporterions volontiers, pour notre part, ces déguisemens à l’orientale dont les Lettres persanes sont demeurées le plus célèbre. On consultera sur ce sujet un livre récent, auquel nous nous proposons de prochainement revenir : c’est l’Orient dans la littérature française des XVIIe et XVIIIe siècles<ref>L’Orient dans la littérature française des XVIIe et XVIII’ siècles, par M. Pierre Martino. 1 vol. in-8o. Paris, 1906, Hachette. </ef>. Les Lettres persanes pourraient faire illusion ; et ce semble que, de l’Orient tel que le révélaient aux hommes du XVIIIe siècle voyageurs, missionnaires, traducteurs, Montesquieu ait goûté la couleur exotique ; mais consultez Lesage, — son théâtre de la Foire, Arlequin roi de Serendib ou Arlequin Hulla, — et vous verrez que c’est d’abord et principalement