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et d’ampleur. Nous l’avons dit, il a y quinze jours, le gouvernement avait accepté que la discussion des quatre contributions directes servît de rendez-vous à lui et aux nombreux interpellateurs qui désiraient connaître ses projets. M. Poincaré n’a pas déçu la curiosité qu’il avait fait naître : il a détaillé son système avec autant de netteté et de précision qu’il était possible. Nous n’entrerons pas ici dans toutes les explications qu’il a données : les bornes d’une chronique ne nous le permettraient pas, et c’est surtout de la situation politique générale que nous nous occupons actuellement. Il nous suffira de dire que, parmi les différens systèmes d’impôts sur le revenu, M. Poincaré a donné ses préférences à l’impôt cédulaire ou analytique anglais, à l’exclusion de l’impôt global et synthétique allemand. En d’autres termes, il distingue les différens revenus pour les atteindre séparément par des moyens et suivant des taux variés, au lieu de les confondre dans un total unique qu’il frapperait en bloc. On ne peut que l’en louer. S’il faut en passer par l’impôt sur le revenu, — et nous reconnaissons qu’il y a là une nécessité, non pas financière assurément, mais politique, — mieux vaut l’ingéniosité de l’income-tax britannique que la brutalité de l’Einkommensteuer germanique. L’impôt cédulaire, en permettant de distinguer les divers revenus, permet aussi de traiter différemment ceux qui proviennent du capital, ceux qui proviennent du travail, et ceux qui tiennent de l’un et de l’autre. On parle beaucoup de mettre de la justice, toujours plus de justice dans l’impôt : il y a là, semble-t-il, un moyen de le faire. Enfin le système de M. Poincaré a un avantage que ne dédaigneront pas les partisans des réformes prudentes et successives, mais qui, en revanche, soulèvera contre lui ceux d’une révolution radicale et immédiate. Il conserve, en somme, sous des appellations différentes, toute une partie des impôts existans, auxquels nous sommes habitués et qui ont fait leurs preuves, et n’en modifie l’assiette que le moins possible. Attachez-vous beaucoup d’importance à ce que, dans l’impôt foncier qui est maintenu, l’impôt sur la propriété bâtie s’appelle désormais cédule A, et l’impôt sur la propriété non-bâtie cédule B ; à ce que l’impôt sur les valeurs mobilières s’appelle cédule C, et l’impôt sur les patentes cédule D ? — Si cela fait plaisir à qui que ce soit, pourquoi ne lui en donnerait-on pas la satisfaction ? Il est vrai que M. Poincaré innove davantage dans la cédule E, la dernière : elle comprend les bénéfices des revenus qui ne sont pas actuellement assujettis aux patentes, c’est-à-dire les pensions, les traitemens, les salaires, etc. Mais, en somme, la cédule E remplace, avec avantage peut-être, l’impôt personnel-mobilier, qui est supprimé.