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Conseil supérieur de l’Instruction publique. Tel a été l’avis de M. Briand. Ce grand révolutionnaire, qui s’est déjà arrêté devant un certain nombre d’autorités sociales, s’arrête maintenant, avec un respect de bon goût, devant celle de notre vieille grammaire et de notre vieux dictionnaire. L’esprit conservateur souffle où il veut, quelquefois où l’on s’y attendait le moins. Les électeurs de M. Briand ne lui en voudront certainement pas d’avoir cru et d’avoir dit que, parmi tant d’autres, la réforme de l’orthographe n’était pas mûre et qu’elle pouvait attendre ; ce n’est pas à leurs yeux la plus urgente ; et quant aux autres citoyens, beaucoup d’entre eux, qui aiment la figure même de notre langue et la reconnaîtraient mal sous une autre, lui sauront gré de sa décision. M. Briand n’a pas encore d’idée arrêtée sur la réforme de l’orthographe. Il veut s’en faire une avant de soumettre la question au Conseil supérieur : c’est son droit, c’est son devoir. Mais nous avons vu tant de ministres suivre docilement le courant sans se préoccuper de savoir où il les conduisait, que lorsque nous en voyons un qui se propose de le diriger au lieu de s’y abandonner aveuglément, nous ne pouvons pas nous retenir de l’en féliciter. C’est notre cas avec M. Briand.


Le très grave événement qui a eu lieu en Russie est encore trop récent pour qu’on en puisse prévoir toutes les conséquences ; mais il provoque dès maintenant de vives inquiétudes. La Douma a été dissoute, avec promesse d’en faire élire une autre au mois de mars prochain conformément à une loi électorale encore inconnue. Nous sommes convaincu que cette promesse est sincère ; mais ce qui vient de se passer montre que la sincérité initiale ne suffit pas à un gouvernement faible, et que les meilleures intentions servent à peu de chose si elles ne sont pas soutenues par la prévoyance et par la volonté. Or le gouvernement actuel n’avait rien prévu, ni par conséquent rien préparé, et, quand les premières difficultés se sont produites, il a perdu son sang-froid. Comment ne pas regretter que l’entreprise généreuse dont l’empereur Nicolas avait pris l’initiative ait abouti, ne fût-ce que provisoirement, à ce lamentable avortement ?

Nous ne sommes pas de ceux qui parlent de la politique intérieure d’un pays étranger avec la même liberté que de la leur : nous mettons alors plus de réserve et de discrétion dans nos jugemens, surtout lorsqu’ils s’appliquent à une nation et à un gouvernement amis. Il nous semble toutefois que la Douma russe n’avait pas mérité le sort qui vient de lui être infligé, et nous doutons fort, puisqu’on doit en élire