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ont été échelonnées sur plusieurs exercices et ne battront leur plein que plus tard. Les augmentations réelles et définitives sont donc très supérieures aux augmentations apparentes. » Et plus loin (page 104 de l’Exposé des motifs), le ministre des Finances déclare que « dès l’année prochaine (1908) de nouvelles dépenses surgiront ; » et il en énumère quelques-unes : l’amortissement de deux séries de la rente 3 pour 100 amortissable exigera un surcroît de 24 millions d’annuité ; « la loi de deux ans de service militaire imposera un dernier relèvement de crédit arbitré à 13 millions ; les constructions navales, l’Instruction publique, les postes, les pensions auront besoin de ressources plus étendues. » On peut en tirer la conclusion que, quoi que l’on fasse, le budget de 1908 se rapprochera de 3 900 millions, et les budgets suivans croîtront comme leurs prédécesseurs.

Ainsi, l’on aura un peu écarté le spectre des 4 milliards ; mais il se représentera, prendra chair et s’imposera comme une réalité à bref délai, et cela sans même faire intervenir la loi des retraites ouvrières.

Dira-t-on que le gouvernement et le Parlement vont s’ingénier, par un méritoire et suprême effort, à réformer les services publics, à refondre l’organisation administrative de la France, de façon à procurer des économies considérables. Il y aurait sans doute, de ce côté, une œuvre sérieuse à entreprendre. M. Poincaré l’a suggérée dans le discours affiché avant les élections ; il y fait à peine allusion dans l’Exposé des motifs de 1907, et sa foi en cette régénération administrative, source à la fois d’économies pour le budget et de rajeunissement pour le pays, paraît assez atténuée. Les difficultés de cette entreprise apparaissent énormes, en effet, et demanderaient, de la part des Chambres et du personnel politicien, un désintéressement, une abnégation même, un esprit de méthode, auxquels ils ne nous ont aucunement habitués.

Le président de la Commission des finances du Sénat, le vétéran, le doyen même du parti, M. Magnin, réélu pour la huitième fois président de cette Commission, a énergiquement signalé, à l’ouverture de ses travaux la gravité de la situation : « Je n’ai jamais vu, a-t-il dit, depuis quarante-trois ans que je participe aux travaux parlementaires, un budget plus difficile à établir que celui de 1907[1]. » Comment, depuis quarante-trois

  1. Voyez Le Temps du 9 juillet 1906, p. 2.