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se soit montré trop libéral envers le contribuable et lui ait fait des remises d’impôts injustifiées. Tout au contraire, il n’eût été que juste qu’au bout de cette longue période, représentant presque la vie active d’une génération, on eût aboli complètement les taxes mises sur le pays après la guerre de 1870-71. Cela eût été d’autant plus équitable que le Trésor, comme on l’a vu, a bénéficié d’une énorme aubaine par les conversions de la dette publique.

Le ministre des Finances, dans l’Exposé des motifs du budget de 1907, fait grand état des dégrèvemens consentis au cours de cette période trentenaire ; ses observations à ce sujet méritent d’être examinées et commentées. Les impôts nouveaux et les surtaxes établis depuis le 1er janvier 1870 se seraient élevés à 1 215 millions de francs et les dégrèvemens réalisés depuis le 1er janvier 1870 jusqu’au 1er juin 1906 atteindraient 840 millions en chiffres ronds : les impôts nouveaux durant cette longue période dépasseraient ainsi les dégrèvemens de 375 millions (page 68 de l’Exposé des motifs).

Nous verrons qu’il y a des rectifications importantes à faire à ces calculs ou, du moins, à l’interprétation de ces calculs. Prenons-les, toutefois, provisoirement tels qu’on nous les présente ; mais faisons-y cette addition nécessaire : M. Poincaré propose pour 1907 une somme de 153 millions d’impôts nouveaux, à savoir 124 millions d’impôts divers et 29 millions du décime des successions (pages 103 à 105 de l’Exposé des motifs). Si l’on joint ces 153 millions aux 375 précédens, on voit que les impôts établis ou à établir depuis la guerre et qui survivent, dépassent de 528 millions de francs les dégrèvemens effectués, et cela sans préjudice des observations que nous présenterons tout à l’heure et qui tendent à grossir considérablement ce chiffre.

Qu’après trente-cinq ans de paix, et après le bénéfice de la réduction du taux de 5 pour 100 au taux de 3 pour 100 des intérêts d’une grosse partie de la dette publique, la France soit dans la nécessité de maintenir 528 millions de taxes diverses en plus de celles qu’elle supportait avant 1870, nous ne pouvons, quant à nous, trouver qu’il y ait là matière à congratulation ; c’est, au contraire, la condamnation la plus décisive de la conduite des finances françaises pendant cette longue période qu’aucune calamité publique n’est venue frapper.

Cette condamnation par les faits eux-mêmes de la gestion