Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/778

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

financière du pays s’aggrave encore quand on étudie d’un peu près le mouvement des impôts nouveaux et des dégrèvemens. Il ne faudrait pas croire, en effet, que les 1 213 millions d’impôts ou de surtaxes qui ont vu le jour depuis 1870 aient été tous établis dans les années qui ont immédiatement suivi la guerre franco-allemande. Sur les 1 215 millions ci-dessus, 485 millions en chiffres ronds datent des années 1880 ou postérieures. Le chiffre des impôts ou surtaxes qui remontent aux années 1876 1879, et qui peuvent par conséquent être considérés comme ayant eu la guerre de 1870-71 pour cause directe, atteint 730 millions environ. Si, de ce chiffre de 730 millions d’impôts dus à la guerre, on rapproche celui de 528 millions d’excédens des impôts établis sur les dégrèvemens effectués dans la période 1870-1907, en supposant votées les surtaxes proposées par M. Poincaré dans le projet de budget de cette dernière année, on voit que la France supportera encore en 1907 sensiblement plus des deux tiers des impôts que la guerre de 1870-71 a rendus nécessaires. En trente-six années de paix, l’on n’est pas arrivé à réduire d’un tiers le montant effroyable des taxes que des calamités nationales sans précédens avaient forcé d’imposer au pays. Jamais, croyons-nous, une grande nation, en pareille circonstance, n’a fait preuve d’une semblable imprévoyance et d’une aussi condamnable légèreté.

Il est clair que, dans cette voie, l’on marche à l’écrasement complet du contribuable. Dans les périodes de paix les plus prolongées, on maintient les deux tiers des impôts établis dans les périodes de calamité ; comme la nature des choses fait réapparaître à des intervalles plus ou moins distans les jours d’épreuves, le poids des taxes, ne s’allégeant presque pas dans les périodes prospères et s’aggravant considérablement dans les temps de crise, le fardeau doit à la longue en devenir intolérable.

Nous nous en sommes tenu jusqu’ici aux chiffres mêmes de l’Exposé des motifs pour apprécier la somme des impositions nouvelles et celle des dégrèvemens dans cette période de trente-sept ans, le budget de 1907 y inclus. Mais il faut y faire quelques corrections qui se traduisent en aggravations. Quelle est la base des calculs de l’Exposé des motifs pour ces impositions et ces dégrèvemens ? On le dit à la page 71 : « Les chiffres sont pris, bien entendu, au moment de la création des impôts ou du vote des dégrèvemens. » Soit, c’est une méthode très simple ; mais