Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/840

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Pondichéry est la juste contre-partie de l’affaire. Et même, pour aller au vrai, ils semblent suivre, dans les événemens actuels, une obscure vengeance.

Bien innocens de toutes ces erreurs qui trouvent leur justification même dans l’esprit de leur temps, les religieux sont aujourd’hui offerts en holocauste par le gouvernement au monstre électoral dont les mille gueules ne cessent d’aboyer, autant pour demander des exécutions que pour solliciter des places. Des professeurs laïcs ont remplacé les Pères dans le collège de Pondichéry. Je souhaite que ces éducateurs à programme libéralement anti-chrétien s’acquittent de leur œuvre avec la même conscience que leurs devanciers. Je souhaite aussi que les résultats obtenus soient à la hauteur des dépenses que nécessitent ces transformations…

Excusez mon humeur buissonnière. Une chose en amenant une autre, comme on dit, on ne saurait être logique sans user de la digression. Revenons-en à Mariammin ou Mariattale, suivant qu’il vous plaira d’appeler la Grande Déesse des Parias ; elle a pour insigne spécial le trident qui lui servit à combattre le géant Targassourin. Les mouchys la représentent sous les traits d’une belle femme rouge, coiffée de la haute tiare au nimbe de flammes, propre aux divinités auxquelles on doit des sacrifices sanglans.

Les Parias tiennent leur déesse pour supérieure à Brahma lui-même. Ils l’honorent par des danses spéciales où l’on avance, portant sur la tête des vases en terre, pleins d’eau, superposés, et garnis de feuilles de margousiers. Je vous ai déjà dit que les feuilles de cet arbre apparaissent dans toutes les occasions où l’on veut flatter la déesse. Mariammin règne surtout vénérée par la terreur. Vienne une épidémie, on a bien soin de disposer des rameaux du végétal sacré autour des malades. On ne leur permet de se gratter qu’avec ces feuilles. On en jonche leur lit, on en couronne le baldaquin ; on en tapisse la maison, son toit, et aussi toutes les habitations du voisinage.

En tant que patronne de la variole, Mariammin est adorée par tous les Hindous, voire des plus hautes castes. Mais alors leurs dévotions s’adressent à la tête seule de la divinité. Ceci demande une explication que peut seule donner l’histoire de cette singulière déesse. Je vous la résume brièvement, en suivant la tradition pondichéryenne, d’après les notes qu’un poète du lieu, Narayanamayanaï, m’a obligeamment communiquées.