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sur le Kitchna, Bommi-Reddi, qui vivait à la fin du XIIIe siècle. Les traits de ce Bommi, ou de son fils, se verraient même sur le médaillon sculpté d’un pilier de la pagode intérieure. La légende veut encore que Bommi ait obtenu, d’un roi de la dynastie Xhola, la permission de s’établir à Vellore où il aurait commencé de construire vers 1295.

Selon une autre tradition, à laquelle je me rallie volontiers, la citadelle aurait été élevée par des ingénieurs italiens au service des souverains de Vijianagar, très probablement pendant la seconde moitié du XVe siècle. Il faut compter aussi avec l’influence des Jésuites qui furent partout de grands constructeurs et ne refusèrent leurs conseils à personne quand il s’agissait de bâtir, comme ils l’ont prouvé dans le Maduré. Les merlons amygdaloïdes qui couronnent l’enceinte, ne laissant entre eux que d’étroites embrasures, d’autres détails encore sont bien dans la manière des architectes occidentaux qui s’étaient inspirés des fortifications de Terre Sainte. Quand on voyage dans le Sud de l’Inde, ou en Arabie, l’œil est frappé par les similitudes d’aspect que présentent les monumens fortifiés. Ce que je vois à Vellore me rappelle ce que j’ai vu à Mascate, dont la chemise crénelée, que j’ai jadis décrite, fut construite vers 1589 par des Européens.

Il est plus que probable que l’enceinte de Vellore n’est guère plus ancienne et qu’elle a été établie sur les mêmes principes. Il est à peu près certain que le corps même du rempart fait de parpaings de micaschiste merveilleusement appareillés, à joints cimentés, est l’œuvre d’ouvriers hindous, du XVe siècle, sous une direction occidentale. Il est sûr que le couronnement crénelé a été élevé un peu plus tard, d’après les mêmes principes, puis mutilé et remanié par les musulmans au XVIIe siècle. Et enfin, les Européens ont dressé le parapet de briques, percé de meurtrières, à l’extrême fin du XVIIIe siècle.

Ces remaniemens successifs n’ont pas été sans entraîner des dégâts, mais les boulets des divers assiégeans en ont occasionné davantage. Plus d’un projectile de pierre est encore logé dans le revêtement. La superbe frise sculptée qui fait le tour de l’enceinte a été dégradée en bien des endroits, et quand on répara les brèches, on remit souvent les sculptures à une place tout autre que celle qu’elles occupaient à l’origine : un éléphant se présente les quatre pieds en l’air, un taureau est encastré, de travers, à deux mètres au-dessous du cordon, et je ne parle que