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des défauts les plus apparens. De même des grands masques en bas-relief que portait chaque merlon en son milieu. La plupart ont été martelés et beaucoup gisent au fond du fossé, dans la fange, d’autres ont été scellés un peu partout, au hasard.

La façade nue, coupée par ce seul cordon de frise, est du plus bel effet. Quel contraste avec tous ces autres monumens où fourmillent les figures animales et humaines, sans un repos, sans un amortissement, comme si le façonnage en bas ou haut relief était la condition de la matière elle-même ! Ici la frise affouillée en broderie réveille la tristesse grave de cette façade nue dont le plein n’est rompu par aucun vide. Ainsi les constructeurs atteignirent à ce maximum de puissance simple, de grandeur véritable dont nous éprouvons l’impression devant les ruines de l’Assyrie et de l’Egypte. Nous trouvons d’ailleurs, entre l’architecture de ces régions et celle de l’Inde dravidienne, des rapports fréquens. Plus d’une occasion s’offrira de vous les signaler quand je vous parlerai de ces pagodes de l’Extrême-Sud que je me flatte de revoir.

Mais le point de vue sur lequel je désire appeler dès maintenant votre attention est cet air de famille qu’on reconnaît à tant de beaux monumens dravidiens et à ceux de la France datant de l’époque des petits Valois. Prenez, par exemple, une photographie de la célèbre forteresse de Tanjore et comparez-la avec cette façade du vieux Louvre terminée à la fin du XVIe siècle. La similitude est frappante. Même compensation des masses au point de vue décoratif, même parti architectural, mêmes statues dressées dans des niches que complètent des pilastres et que bordent des plates-bandes verticales. Les proportions des figures, au regard de l’ensemble, sont à peu près les mêmes dans ces deux monumens. La compensation judicieuse, ici des vides et des pleins, là des ornemens et des repos, le système des amortissemens en hauteur comme en largeur, dénotent une origine commune. A Paris comme à Tanjore la profusion des élémens décoratifs ne diminue pas la grandeur de l’ensemble, et l’on n’éprouve point cette sensation fatigante de fourmillement que donnent les accumulations de personnages, de bêtes, d’ornemens en plein relief, accolés, dispersés, superposés, jetés souvent comme au hasard, sur les corniches et les entablemens des gopuras, dans la plupart des pagodes dravidiennes. Et de celles-là, encore, par endroits, la filiation semble s’établir avec les