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de la pierre perd en richesse. Les couloirs n’ont plus ni piliers ouvrages ni bas-reliefs. Voici enfin le vimana, le saint des saints, le sanctuaire !... Une petite loge carrée avec ses quatre murs nus, sans fenêtres, et ne prenant son jour que par la porte étroite et basse, rectangulaire. Au plafond, quatre poutres de bois, les seules de tout ce temple où les voliges, les lambris, les plinthes, les stylobates sont de pierre. Ces poutres parallèles s’alignent pour rappeler les quatre Védas. La chaleur est étouffante et l’obscurité presque complète. Un pion agite sa torche allumée, passe le seuil, je le suis, et c’est sur les dalles une fuite de bêtes immondes, comme si les esprits de la pagode souillée, empruntant les espèces animales, s’enfuyaient à l’approche des étrangers, tels les grands dieux de la Grèce en ce jour funeste où l’Olympe fut envahi et le pouvoir de Jupiter mis en question. Quand les crapauds, les blattes et les grillons ont disparu, ce sont les chauves-souris et les hiboux qui nous éventent de leurs ailes. Tout ce monde des ténèbres a pris l’alarme pour bien peu

Nous nous retirons que leur vol incertain raye encore en zigzag les tourbillons de fumée des flambeaux en paille. Ce n’est pas le sanctuaire lui-même, avec ses murs de pierres polies, d’un irréprochable appareil, son autel carré de granit où se dressait jadis la statue de Çiva, ses quatre poutres même, qui sont intéressans, mais ses entours. Du couloir, que nous avons dû suivre pour accéder au vimana, les parois ont été percées de larges fenêtres, sans doute à l’époque où l’on installa l’Arsenal. Au beau temps, c’était un long boyau obscur, garni d’une banquette de pierre, dans toute sa longueur, et sur cette banquette s’alignaient par rangées les images des dieux. On m’a raconté qu’entre ces idoles, de taille moyenne, les moins précieuses étaient d’argent massif ; et beaucoup, d’or pur, avaient leurs yeux et leurs ornemens faits de pierreries. Je ne m’oppose point à ces dires. On m’a affirmé quelque chose de bien plus extraordinaire, et le témoignage formel d’un agent du gouvernement anglais ajoute son poids à la « crédibilité » de l’histoire. Le puits que chacun peut voir en face du mandapam, à l’angle nord-ouest du temple, possède une porte qui s’ouvre à quelques pieds au-dessous du niveau des basses eaux Cette porte est close par un battant monolithe, pierre tournant sur des gonds, et si parfaitement ajustée dans sa feuillure, que la pression