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nuage ; moins encore : c’est pure rêverie de théoricien ; et il n’est pire injure dans le vocabulaire de nos parlemens d’aujourd’hui. « La cabine servira à faire toutes sortes de niches ; on s’y enfermera, on n’en sortira plus, et, par conséquent, le vote n’en finira plus, et par suite augmentera le nombre déjà trop grand des abstentions. Quant à la représentation proportionnelle, l’électeur n’y comprendra rien ; les scrutateurs s’embrouilleront dans toutes ces listes, les commissions de recensement se perdront dans tous ces calculs. » Il est inutile de chercher des raisons nouvelles pour répondre à ces argumens, infatigablement, automatiquement ressassés. Puisque la « cabine d’isolement » et la représentation proportionnelle fonctionnent tout près de nous en Belgique, le plus simple était « d’y aller voir ; » et d’y aller voir non point une répétition avec des figurans stylés, mais le vrai drame joué par le vrai. peuple, un jour d’émotion et de combat.


I

Les élections législatives belges du 27 mai 1906 avaient une importance considérable. Il s’agissait de renouveler la plus forte moitié de la Chambre des représentans, soit 85 membres sur 166. Il s’agissait, par là même, de savoir si le parti catholique, au pouvoir depuis vingt-deux ans, depuis 1884, y demeurerait ou en serait renversé. Ce serait donc ne rien dire de trop de ces élections que d’en dire qu’elles pouvaient avoir une importance historique. Aucun parti ne s’y trompait ; ni les « cléricaux, » ni les libéraux, ni les socialistes ; et à aucun, dans l’espoir ou dans la crainte d’un pareil résultat, aucun sacrifice n’avait paru lourd. Tandis qu’à Bruxelles ils couraient chacun sa chance, en d’autres circonscriptions ils avaient contracté des unions poussées jusqu’à la confusion. L’opposition avait emprunté à la politique allemande le cartel, chose et mot, l’assouplissant du reste et le conformant aux circonstances locales. C’est ainsi que, dans l’arrondissement de Louvain, on avait vu naître un cartel libéal-socialiste, présentant trois candidats : un socialiste, encadré de deux libéraux ; de même dans l’arrondissement de Nivelles : un libéral, deux socialistes, un candidat sans qualification. A Anvers, comme à Bruxelles, socialistes, cléricaux, démocrates