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voisins de la frontière, — que la complication du système déconcerte les Belges eux-mêmes, et que, sur la représentation proportionnelle, ils en reviennent, comme on dit, de leur engouement passager. Je l’ai demandé à droite et à gauche, non point à des hommes politiques, qui pouvaient être intéressés, ou non point seulement à eux, mais à n’importe qui, dont je ne saurai jamais le nom, au hasard des rencontres. Quelqu’un qui déjeunait auprès de moi au restaurant (à plus d’un trait de sa conversation, il me fut aisé de reconnaître un de ces libéraux qui sont avant tout violemment anticléricaux) m’a répondu sans ambages que dans tous les camps, au contraire, on était content de la R. P. ; « sauf peut-être, ajoutait-il, quelques grincheux de chaque parti. » D’après mon interlocuteur, la représentation proportionnelle a réellement le mérite de l’apaisement électoral, qui m’a frappé. Avant elle, on jouait le tout pour le tout, et l’on se démenait en conséquence. Avec elle, il ne s’agit pour un parti que d’avoir ou ne pas avoir un ou deux sièges de plus. Tandis que nous y sommes, je pousse un peu notre homme ; il s’échauffe, et à toute objection que je soulève, il me découvre une nouvelle vertu de la R. P. Pas de ballottage, d’abord, ce qui, en effet, est considérable ; et puis, pas de surprise, les listes étant arrêtées quinze jours à l’avance. « Mais, dis-je, est-ce qu’on ne se plaint pas de cette carte forcée, de cette liste « bloquée, » où l’électeur n’a le droit de rien changer ? Ne trouve-t-on pas que c’est fonder la tyrannie des comités et supprimer le suffrage universel ? — Mais non ; l’électeur, il est vrai, ne peut changer aucun nom sur la liste, mais il peut, pour un candidat au moins, changer l’ordre, par son vote de préférence : c’est une satisfaction. — Précisément, continuai-je, cette faculté étant donnée, n’arrive-t-il pas qu’au moyen de telles ou telles combinaisons d’une habileté plus ou moins scrupuleuse, on écarte les chefs, on décapite les listes ? — En théorie, cela n’est pas impossible ; en fait, il est extrêmement difficile que cela se produise. Il faut trop dévotes de préférence pour réussir à changer l’ordre. On a pourtant réussi à le changer une fois au bénéfice de M. Colfs, mais cette seule fois, et il n’y fallut pas moins de 10 000 suffrages de préférence. A présent, par suite de l’augmentation du nombre des voix, il en faudrait plus de 12 000. Ce sera donc toujours très exceptionnel. — Et comment l’électeur, surtout l’électeur rural, le paysan flamand par exemple, comment se débrouille-t-il