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à Westminster dans un discours resté célèbre : « Elle est fondée sur l’injustice. Eglise missionnaire, elle a misérablement échoué. La malédiction de la stérilité est sur elle ; elle n’a point de feuilles, elle ne porte pas de fruits. Coupez-la ! Pourquoi encombre-t-elle le sol ! »

Du jour où l’ère des réparations s’ouvrait, l’ « Etablissement, » instrument de conquête et de tyrannie, était condamné. Par deux fois, l’Angleterre tenta de le sauver en le réformant, en convertissant la dîme en une taxe foncière à la charge des landlords, lesquels s’empressèrent de hausser d’autant les fermages de leurs tenanciers. En 1869 enfin, M. Gladstone dut passer condamnation et faire voter la fameuse loi de « désétablissement, » ou pour prendre le terme français, assez peu exact ici, la séparation de l’Eglise (épiscopale) et de l’État en Irlande : œuvre considérable, dont il n’est pas inutile de préciser quelque peu le caractère, ne fût-ce que pour prévenir les rapprochemens qu’on pourrait être tenté d’établir entre la mesure très libérale et très respectueuse de M. Gladstone et notre récente et jacobine loi de séparation française. L’Eglise « désétablie » ne cesse pas de par la loi, comme on l’a dit, d’être reconnue par l’État, elle cesse d’être une Eglise d’État, un « Etablissement » temporel implanté par l’Angleterre pour le service de sa garnison au milieu et à la charge d’un pays vaincu. D’autre part, la loi ne « sécularise » pas purement et simplement les immenses dotations et dîmes attribuées par l’État à l’Église au temps de la Réforme ; l’Église est mise à même de se reconstituer une dotation nouvelle au moyen de ce qui lui est laissé à titre de compensation pour droits acquis.

Elle perd ses privilèges politiques. Elle n’envoie plus de représentans à la Chambre des lords. Elle n’est plus institution publique, partie intégrante de l’État. La suprématie de la Couronne tombe à son égard, ainsi que les droits du Parlement. En revanche toute liberté lui est laissée pour s’organiser et se gouverner : elle se constitue en effet une sorte de gouvernement représentatif, avec convocations du clergé, synodes diocésains et synode général, etc. Elle est, nous le répétons, reconnue par l’État en tant qu’institution religieuse et non plus temporelle. Elle a son rang de préséance, elle est représentée dans les cérémonies publiques ; officieusement, sinon officiellement, l’Eglise et l’État restent alliés en Irlande.