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et de confiscations. On s’explique donc que plusieurs de ses dignitaires avouent qu’elle a plus gagné que perdu à cette opération de 1869, dont l’exemple sert aujourd’hui d’argument aux partisans du désétablissement de l’autre côté du canal Saint-Georges. Les parsons vivent maintenant en bonne intelligence avec la population catholique, et les évêques ne sont plus des ennemis aux yeux des presbytériens. Les laïques enfin se sont rapprochés des pasteurs, prenant un intérêt nouveau aux choses d’église et une part croissante à la gestion des affaires, et c’est là même ce qui explique que depuis trente ans on ait vu s’accentuer de plus en plus dans la doctrine et le rituel de l’Église d’Irlande, par contraste avec les pratiques de l’Église d’Angleterre, les tendances anti-ritualistes dites de la Basse-Église, low church. — Il faut dire que jamais les deux Églises sœurs n’avaient été en complète harmonie quant à la nature et aux formes de leur protestantisme depuis que la Restauration de 1660 avait ramené dans l’Église d’Angleterre un certain degré de sacerdotalisme, tandis que l’Église d’Irlande avait gardé la marque puritaine de la Révolution. La commune soumission au Parlement et à la couronne d’Angleterre maintenait cependant depuis 1800 entre les deux Églises une certaine uniformité extérieure, bien que la poussée évangélique se fût encore affirmée chez les laïques irlandais dans la première moitié du XIXe siècle. Du jour du désétablissement, tandis que se propagent en Angleterre les tendances ritualistes, les tendances contraires s’accentuent en Irlande, par un contre-coup de la liberté rendue à l’Église et de l’influence nouvelle prise dans son sein par les laïques. Aujourd’hui, s’il y a quelques paroisses « suspectes, » notamment à Dublin, s’il est même vrai que la Divinity school soit imprégnée d’un certain esprit ritualiste en même temps d’ailleurs que rationaliste, l’Irlande épiscopalienne n’en est pas moins dans l’ensemble nettement, agressivement low church, plus proche à bien des égards du calvinisme que de l’anglicanisme. On est « protestant » tout court en Irlande, au moins chez les laïques, et l’on n’a cure de se dire catholique par-dessus le marché, comme on le fait en Angleterre par amour du contradictoire. On est d’autant plus antiritualiste que les catholiques sont plus voisins. « Nous avons ici le papisme dans toute sa beauté, » disait naguère le colonel Saunderson, « pas de danger que nous n’en fassions