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confidentiels d’ambassadeurs et de chargés d’affaires, transmettant à leurs princes tous les menus faits des cours de Londres et de Saint-Germain, comme aussi en extraits des rapports et des lettres d’une foule d’agens secrets employés par Jacques II, par sa veuve et son fils, après la catastrophe de 1688. Pour l’étude de la période qui a immédiatement précédé cette catastrophe, en particulier, tous les historiens anglais devront savoir gré à M. Halle de la masse de renseignemens nouveaux qu’il a réunis ; et je crois bien que, en France même, une traduction de ce précieux recueil ne manquerait pas d’être bien accueillie. Mais surtout l’on sera frappé, à la lecture du recueil, de tout ce que chacune des innombrables pièces citées ou analysées par M. Halle ajoute de relief, de simple et touchante vérité humaine, aux deux figures du roi Jacques et de la reine Marie : figures extrêmement dissemblables, et qui pourtant, lorsqu’on les voit ainsi se dessiner peu à peu d’elles-mêmes, au long des années, se complètent, en quelque façon, et s’éclairent l’une l’autre.


Elles ne se ressemblent que par un seul point : l’attachement profond des deux époux à leur foi catholique. Mais, là encore, la ressemblance est loin d’être parfaite. On serait tenté de dire que Jacques II et sa femme se sont partagé le rôle idéal d’un bon catholique : Jacques II ayant été un martyr, et sa femme une sainte. Car vraiment tous les actes publics du dernier roi Stuart, depuis sa conversion jusqu’à ses vaines tentatives de restauration, présentent un caractère de folie héroïque et intempestive qui fait songer aux histoires de saint Sébastien et de saint Maurice, des plus romanesques martyrs de la Légende Dorée. A chaque instant, sans autre motif possible qu’un besoin fiévreux d’affirmer sa foi et de souffrir pour elle, Jacques II se livre à des provocations imprudentes, inutiles, et dont chacune a invariablement pour effet de l’exposer à de nouveaux ennuis. A chaque instant, lorsque sa situation personnelle et celle de tous les catholiques anglais semblent en voie de s’améliorer, le malheureux s’empresse de tout gâter, une fois de plus, par une proclamation, plus ou moins directe, de sa ferveur « papiste. » Jamais, peut-être, prince n’a plus obstinément attiré sur lui les coups qu’il a reçus. Évidemment il avait, d’instinct ou par zèle chrétien, la soif du martyre : et c’est ce que tous ses détracteurs mêmes, à l’exception du seul Macaulay, ont été contraints de reconnaître et d’admirer en lui. Mais, avec cela, et au contraire des martyrs de la Légende Dorée, on ne voit pas que les nombreuses occasions qu’il a eues de désaltérer