Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compliquer l’opération mentale : par exemple, on imposera au sujet de réagir avec la main gauche s’il voit une lumière, et avec la main droite s’il ressent une piqûre, ou bien on lui prescrira de réagir avec le petit doigt, s’il est piqué au pouce et avec le pouce s’il est piqué au petit doigt. La réaction devient ainsi beaucoup plus difficile, par le double fait d’une attente, puisque le sujet ne sait pas ce qui va se passer, et d’une attention, puisqu’il devra, selon le cas, faire un choix. C’est-à-dire que la série psychologique se trouve considérablement renforcée par rapport à la série physiologique pure : le retard de la réaction mesurera la rapidité de la pensée. Or, ce retard est très appréciable. La pensée n’a rien de l’éclair : elle est même très lente : sa vitesse varie avec les individus, les dispositions des individus, et l’on a pu espérer trouver une formule mathématique, d’après les temps de réaction, pour évaluer l’intelligence des hommes. L’influx nerveux lui-même ne circule que fort doucement dans les voies qui le conduisent de la périphérie au centre, du centre à la périphérie. Si je ne me trompe, Wundt estime sa vitesse à 33 mètres par seconde.

En vérité, ne sont-ce pas là des résultats ?... Ils ont été tellement discutés, dans toutes les écoles, qu’il n’est pas possible d’en ignorer l’existence, au moins historique. Ces quelques détails suffisent sans doute à en montrer la minutie, l’apparence positive, et l’on comprend que, lancée par un esprit aussi vigoureux que Fechner, appuyée par l’autorité de Wundt, la pscho-physique ait eu d’abord une fortune éclatante. Depuis vingt-cinq ans, non seulement en Allemagne, mais en France, en Italie, en Amérique, les laboratoires n’ont cessé de se multiplier et de s’enrichir, les appareils de se perfectionner et de se diversifier. Bientôt, on ne s’en tint plus à la mesure des « temps de réaction, » et l’on s’appliqua à saisir des phénomènes plus délicats et plus profonds. De l’étude des sensations, on s’éleva à celle des émotions, où l’on voulut déterminer toutes les modifications qu’elles peuvent entraîner, dans la circulation, la respiration, la tension musculaire. On accumula le plétysmographe, le sphygmographe, les esthésiomètres, les dynamomètres, les appareils graphiques de tout genre. On a mesuré, grâce à des accidens favorables, jusqu’aux variations calorimétriques du cerveau et je connais de jeunes passionnés qui n’accomplissent aucun acte de leur vie humaine sans un outillage scientifique. Dans