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l’Orient ; elle apportait aux populations slaves de la péninsule un encouragement nouveau en même temps que, du Nord, la Russie panslaviste d’Alexandre II se préparait à leur apporter un concours plus effectif. Mais ces velléités de gouvernement libéral, ces interventions des États européens dans les affaires intérieures de la Turquie[1], l’exemple de la Grèce et des Principautés, en faisant miroiter aux yeux des populations chrétiennes la possibilité de l’autonomie, en avaient surexcité chez elles l’impérieux désir ; au moment où le gouvernement du Sultan allait se faire plus oppressif, elles devenaient, elles, plus impatientes de liberté.

Ainsi, à l’heure où l’insurrection de l’Herzégovine (1874), les troubles de Serbie et du Monténégro, laissaient prévoir une tentative nouvelle d’émancipation des populations slaves et la prochaine explosion d’une crise orientale, la politique d’intégrité, préconisée par l’Angleterre, devenait de plus en plus difficile à pratiquer ; elle se heurtait à la fois à la résistance désespérée des populations, encouragées par quelques-unes des grandes puissances européennes, et à la campagne de presse et d’opinion menée, en Angleterre même, en faveur des chrétiens opprimés. Par là s’expliquent, dans l’attitude de lord Derby et de lord Beaconsfield, certaines hésitations, certains tâtonnemens. Une politique plus alerte aurait peut-être pu trouver l’occasion d’empêcher la guerre ; mais l’Angleterre ne paraît préoccupée que de comprimer les efforts des populations chrétiennes vers l’émancipation ou d’empêcher le succès des réformes quand c’est la Russie et les puissances de l’Europe centrale qui en recommandent l’application ; elle ne se réveille qu’en présence du traité de San Stefano.

Au moment où, à la fin de 1875 et en 1876, l’insurrection tend à gagner toutes les provinces chrétiennes de la péninsule des Balkans, l’Europe continentale est régie par la combinaison politique que l’on a appelée « l’Alliance des Trois empereurs. » Les cabinets de Saint-Pétersbourg, de Berlin et de Vienne manifestent leur entente et leur volonté de maintenir la paix et le

  1. M. de Moustier provoquait en 1867, à propos des affaires de Turquie, uns « consultation de médecins, » il préconisait l’unification et la centralisation ; à la même époque, le comte de Beust se montrait disposé à favoriser parmi les chrétiens d’Orient « le développement de leur autonomie et l’établissement d’un self government limité par un lien de vassalité. »