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COMMENT AIMENT LES MYSTIQUES CHRÉTIENS

Les médecins ont beaucoup étudié les mystiques dans la seconde moitié du dernier siècle et ils se sont contentés souvent d’explications trop simples.

Sans s’arrêter sur les rares neurologistes qui n’ont vu dans l’analyse des états mystiques qu’une occasion de polémique antireligieuse, on doit reconnaître que la plupart de ceux qui ont abordé cette étude ont méconnu la complexité des faits en admettant que la connaissance de l’hystérie suffisait à les éclaircir. Les jeûnes prolongés, les visions, les extases, les stigmates se rencontrant aussi bien dans les hôpitaux que dans les couvens, ils ont pensé de très bonne foi qu’ils pouvaient considérer le mysticisme comme une manifestation particulière de ce mal. « Un mystique est un hystérique qui tient de son éducation les idées religieuses qui orientent sa pensée et colorent d’une même teinte ses divers accidens mentaux, » tel est le jugement sans appel qui semblait résulter des travaux de Charcot et de son école.

Il y a beaucoup à dire cependant contre une conception de ce genre[1], et l’on pourrait montrer sans peine que, chez bien des mystiques, l’hystérie, loin de constituer une condition nécessaire de la mysticité, n’intervient qu’à titre accessoire ou même n’intervient pas du tout. Ce qui est constant dans ces âmes, c’est l’exaltation du sentiment religieux, l’angoisse du doute, la soif

  1. D’excellents argumens ont été donnés récemment contre cette conception par M. Pierre Janet (Une Extatique, Paris, 1901) et M. Léo Gaubert (la Catalepsie chez les mystiques, Paris, 1903).