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Une fois la part des métaphores faite, ne reste-t-il pas cependant, dans l’amour mystique, un grand fonds de tendresse humaine ? Ce serait nier l’évidence que de soutenir le contraire.

Si les analogies verbales ne prouvent pas tout ce qu’on a voulu leur faire prouver, elles témoignent au moins d’une certaine parenté entre les deux sentimens ; ce n’est pas l’ambition, ou l’avarice qui, sous le couvert des métaphores, pourraient emprunter à ce point le langage de l’amour. Si les termes de fiancé mystique, d’époux céleste, de caresses enivrantes reviennent si facilement dans la bouche des mystiques, c’est sans doute qu’ils correspondent à quelque réalité et qu’ils expriment un sentiment très voisin de l’amour humain. En fait, les hommes qui ont aimé la vierge Marie d’amour mystique, lui ont parlé bien souvent comme à la fiancée de leur âme, et la plupart des femmes qui ont aimé Jésus sont allées vers lui, avec la partie la plus féminine de leur cœur. Le chercher, soupirer après lui comme après un fiancé de rêve, reporter sur cet amant idéal toute l’affection qu’elles ne donnaient pas à la terre, c’est là ce qu’elles ont fait presque toutes. Ce qu’il importe toutefois de remarquer, c’est que la plupart d’entre elles ne sont pas venues à Jésus, comme on le croit trop souvent, après avoir éprouvé tout ce que l’amour humain contient de désillusions ou d’amertumes ; ce n’est pas une consolation ou une revanche qu’elles ont demandées à leur époux divin ; elles ne lui ont pas apporté un cœur tout frémissant encore des passions charnelles, une âme tout imprégnée de souvenirs sensuels ; non, elles sont allées vers lui, avant de rien connaître de la terre, pour fuir des réalités que leur esprit jugeait grossières ; c’est avec leur âme et non avec leurs sens que le plus grand nombre d’entre elles ont appelé l’Epoux.

Aussi, malgré les apparences, ont-elles mêlé très rarement des pensées sensuelles à leur amour divin, tout débordant qu’elles l’aient proclamé. Ce sont des chastes que la plupart des épouses de Jésus ; quand on a fait la part des métaphores, leur tendresse amoureuse apparaît comme un sentiment épuré, où le corps proprement dit tient peu de place.

Mais, à parler d’amour sans cesse, à aimer de tout son cœur, on peut quelquefois être dupe et mettre dans son affection une sensualité qu’on croit avoir à jamais bannie. De là ces quelques