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autoritaire, ses fondateurs substituent la liberté d’une simple fédération. A la démonstration théorique d’une vérité abstraite, dont la réalisation sera un jour possible par la force, ils préfèrent un programme de réformes immédiates et pratiques. L’étiquette d’une unité dogmatique est remplacée par le drapeau d’une union corporative. La tactique, la méthode et les insignes ont été modifiés. Le succès récompense ces efforts pour nationaliser des idées étrangères. En 1896, l’Independent Labour Party comptait jusqu’à 20 000 adhérens ouvriers, répartis en 318 groupemens. Sous l’influence de cette propagande, dont le résumé serait incomplet si l’on oubliait la popularité de R. Blatchford, le tirage de son journal The Clarion, le succès de son livre Merrie England, une évolution se dessine dans les congrès annuels des Trade-Unions. Les motions relatives à la nationalisation du sol, aux trois-huit, sont rejetées par des majorités qui diminuent régulièrement, jusqu’au jour, où à Swansea, les délégués adhèrent aux idées générales du collectivisme. Peu de temps après, un congrès international se réunissait pour la première fois à Londres. Les ouvriers anglais avaient désormais une doctrine distincte de celle du radicalisme démocratique, du conservatisme démagogique. Leurs activités, exaspérées par les crises du chômage et les batailles des grèves, se groupent sous un drapeau indépendant.

Et nous assistons à un nouvel effort pour conquérir le pouvoir. En 1890 et 1893, les Trade-Unions jugent insuffisante l’action du Comité parlementaire, qu’elles élisent annuellement pour suivre les travaux des Chambres. Elles se décident, en principe, à créer deux organismes nouveaux pour subvenir aux frais et désigner les champions des luttes électorales. Le nombre des députés ouvriers ne recule pas sensiblement, et les Parlemens de 1892, 1893 et 1900 comptent 15, 12 et 11 Labour Members. De 1892 à 1902, l’Independent Labour Party dispute 2000 mandats municipaux et fait triompher 800 de ses adhérons.

Si dans ces dernières années, nous constatons un réveil de l’activité politique, c’est que les causes sociales, économiques et intellectuelles, que nous retrouvons à l’origine de la poussée ouvrière, ont reçu une impulsion nouvelle.