c’est toujours le même spectacle qui nous y attend, et la même histoire qui, immanquablement, s’y rappelle à nous. Et c’est encore une histoire pareille que nous racontent celles des îles qui, comme Chioggia, Burano, Mazzorbo, n’ont pas entièrement péri après la suppression de leurs monastères, mais qui n’en ont pas moins perdu, depuis cent ans, à la fois leur beauté et leur vie de jadis. Détournons plutôt nos regards de ces scènes de mort, qui sont décidément, hélas ! tout ce qu’ont aujourd’hui à nous faire voir les îles vénitiennes ; et efforçons-nous de nous représenter l’aspect ancien de ces îles, à l’aide des renseignemens divers que viennent de recueillir, pour nous, deux des plus fervens amoureux du passé de Venise, MM. Molmenti et Mantovani !
Le volume où ils ont recueilli ces renseignemens fait partie d’une collection entreprise, il y a deux ou trois ans, par l’Institut d’Art Graphique de Bergame, sous le titre général de : l’Italie artistique. C’est une collection de courtes monographies illustrées, dont chacune s’occupe, tout ensemble, de décrire l’état présent d’une ville ou d’une région italienne, et de nous raconter les faits principaux de son histoire, ou tout au moins ceux d’entre eux dont un vestige, matériel ou moral, s’est conservé à travers les siècles. Des collections analogues existent, comme l’on sait, en Allemagne, en Angleterre, et aussi chez nous : mais je dois dire que l’italienne, prise en bloc, me paraît supérieure à toutes ses rivales. Elle le serait, je crois bien, indépendamment même du talent des auteurs : car où trouverait-on, hors de l’Italie, d’humbles petits chefs-lieux de département ou de sous-préfecture qui, — pour ne point parler de Sienne, de Pérouse ou de Parme, — fussent aussi riches de souvenirs historiques et de chefs-d’œuvre d’art que Vicence, Volterre, Urbin, Ravenne, Gubbio, que la plupart des villes qui figurent, dès maintenant, sur la liste des volumes de l’Italie artistique ? Mais ce n’est pas tout : j’ajouterais volontiers que, parmi toutes les races de l’Europe, il n’y en a pas qui soit mieux faite que l’italienne pour produire et pour apprécier des monographies du genre de celles-là. Car, en vérité, quelque effort que tente l’Italien d’aujourd’hui pour préférer sa grande patrie nouvelle à la petite patrie locale qu’ont exclusivement aimée et servie ses parens, c’est toujours encore celle-ci qui, au fond de son cœur, lui reste la plus chère. Un Siennois, transplanté à Rome ou à Milan, y emporte l’amour passionné de Sienne ; et non seulement il prend plaisir à en revoir jusqu’aux moindres ruelles : tout le passé de sa ville survit,