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que ne l’écoutait Louis-Philippe. Beaucoup de gens, effrayés de leur succès, sont revenus à l’idée de la Régence. Mais ces braves gens s’abusent. La France entière voudrait la Régence, que la Régence serait impossible, par le refus certain de ceux qu’on pourrait désirer pour Régens. On a parlé d’Henri V. Mais le chef de la maison de Bourbon a refusé pour deux raisons de jamais régner en France. Je ne dirai rien de la première, car la seconde suffit : il ne veut pas.

Quant à prendre un prince étranger, de la maison de Bourbon, c’est une proposition contre laquelle la France entière se soulèverait.

Ainsi, la maison de Bourbon est, par sa propre volonté, par le vœu de la plus grande partie de la nation française, à jamais déshéritée du trône.

On ne fait pas plus des Rois qu’on ne fait du bois. Il faut beaucoup de temps, des conditions telles, qu’il a fallu le génie de Napoléon et son bonheur pour les esquiver, car il ne les remplissait pas. Néanmoins, quatre millions de votes ont créé sa dynastie, et malgré l’état où se trouve cette famille, elle a pour elle l’élection, un droit, une consécration. Si la France est obligée de se donner une espèce de Doge, comme en Angleterre, elle ne peut le trouver que là.

Quoi qu’on fasse, le mouvement de 1848 sera semblable à celui de 1688 en Angleterre ; nous réaliserons le gouvernement parlementaire que voulait la coalition de 1839, et nous nous raccrocherons à une branche de Hanovre quelconque, un peu plus tôt, un peu plus tard.

Voici ce qui va nécessairement arriver.

La future Assemblée Nationale n’aura pas de centre, car elle sera le pouvoir exécutif, comme le fut la Convention, les ministres ne pouvant être que ses délégués. Elle se partagera fatalement en gauche et en droite, et la gauche se composera des républicains radicaux, de ceux qui représenteront les idées de Fourier, les idées communistes, et le radicalisme républicain.

Si la gauche est en majorité, je ne veux pas prévoir quelles seront ses dissensions intestines. Elles seront violentes. Mais, si cette gauche a la majorité, j’en appelle à tous les hommes de bon sens ; la France n’est pas perdue, les nations ne mourant pas ; mais elle sera dans l’anarchie, ou sous le régime radical, pendant fort longtemps.