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l’influence, relativement récente encore, de Wagner, la musique française avait d’elle-même cherché d’autres routes. Ce n’est pas dans la mesure où il se rapproche du « grand opéra, » mais au contraire dans celle où il s’en éloigne, que le Faust de Gounod parut et demeure en France un chef-d’œuvre sans précédent. » Et depuis, on peut assurer que l’évolution de notre musique de théâtre s’est opérée en dehors, si ce n’est à l’encontre du genre, que nous achevons d’étudier. Sans doute on l’a vu se défendre, ou se survivre, et pousser quelques rejets encore. Par exemple, Hamlet, le Roi de Lahore et Patrie furent très loin de rendre à l’idéal ancien des hommages sans éclat. Mais, tout de même, les Henri VIII et les Ascanio, ses « grands opéras, » ne font pas aussi grand un Saint-Saëns, que sa tragédie musicale ou son oratorio dramatique de Samson et Dalila. Plus on regarde aujourd’hui, — ou plus on écoute, — et plus on trouve ailleurs que dans le grand opéra, je veux dire en des œuvres plus sobres et plus intimes, dépourvues d’apparat et d’appareil, qu’elles se nomment d’ailleurs Carmen ou le Roi d’Ys, Manon ou Werther l’honneur actuel de la musique française renouvelée.

Aimez, » a dit le poète,

Aimez ce que jamais on ne verra deux fois.

Aimons ainsi notre grand opéra national. Aimons-le d’un amour en quelque sorte historique et rétrospectif. Aimons-le saluons-le, car nous ne le reverrons plus.


CAMILLE BELLAIGUE.