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prescription de l’Église relative au repos dominical. Il n’y a là qu’une coïncidence ; mais, autrefois, on cherchait à l’éviter. Nous nous rappelons d’anciens débats sur la même question : on y prenait toutes sortes de faux-fuyans pour ne pas dire, et où effectivement on ne disait pas que le repos hebdomadaire aurait lieu le dimanche. Il y avait, certes, de la puérilité dans les scrupules des libres penseurs de cette époque ; mais ce n’est pas une raison suffisante pour expliquer que ceux d’aujourd’hui s’en soient subitement dégagés. Il faut croire qu’il y a des modes pour l’esprit, et qu’elles changent parfois du tout au tout.

Qui n’a été surpris de la facilité et de la hâte avec lesquelles la loi a été votée ? Le Sénat, il est vrai, lui a consacré de longues séances : il ne se faisait cependant aucune illusion sur les défauts qui y restaient, et qui se sont effectivement trouvés fort nombreux. Le principe du repos dominical une fois admis, il fallait en organiser l’application. L’œuvre était délicate et laborieuse. On portait inévitablement atteinte à de si vieilles habitudes et à tant d’intérêts, qu’il était à peu près impossible de réussir pleinement du premier coup. Aussi le Sénat, en renvoyant la loi à la Chambre, lui disait-il mentalement : au revoir ! Mais il n’a pas revu la loi ; elle ne lui est pas revenue. La Chambre sans qu’on puisse s’expliquer pourquoi, a été prise d’une fringale de vitesse. Elle a ordonné l’urgence, s’est abstenue de toute discussion, et a voté la loi telle qu’elle était, sans y changer un point ni une virgule. Le même vertige s’est emparé du gouvernement. La loi avait prévu pour son application un certain nombre de règlemens d’administration publique, grâce auxquels le Conseil d’État aurait pu corriger quelques-uns de ses défauts. Le Conseil d’État met d’ordinaire beaucoup de soin et aussi beaucoup de temps à ces sortes de travaux. De plus, il allait entrer en vacances. On ne sait quelle influence s’est exercée sur lui : il a fait en quelques jours le plus important des règlemens prévus par la loi, et aussitôt, sans attendre les autres, avec une précipitation qui ne voulait rien prévoir, le gouvernement est passé à l’application. Il en est résulté qu’une loi à laquelle il aurait fallu habituer les esprits, donner aux intérêts le temps de s’adapter, permettre à nos mœurs de se préparer, est tombée sur nous comme un aérolithe : elle n’a pas soulevé seulement des critiques, mais encore des protestations et des troubles.

Le principe en est excellent. Il est bon pour l’homme d’avoir un jour de repos par semaine, et il est bon pour la famille que ce jour soit le même pour tous ses membres, afin qu’ils puissent le passer